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    Alors! Raconte! N° 141

     

     

                                  Le gouffre de l'Œil doux

     

    Notre randonnée du 13/9/2014

     

                          Encore un regard sur notre planète dans notre Région du Languedoc tout près de la Méditerranée, à quelques pas de Fleury d' Aude, petit village plein de charme. Il n'existe pas à ma connaissance une telle curiosité qui attire tous les ans autant de touristes, d' écoliers mais surtout de randonneurs avides de couleurs et de beautés.

                          L'"Œil doux", entre terre et mer, dans un amphithéâtre de calcaire blanc est une émeraude dans le vert d' une nature qui ne laisse pas les promeneurs indifférents. Son nom en occitan " Uèlh Dotz". L'œil viendrait de la forme de son ouverture et doux représentant en occitan la source, le canal. Cette cénote, ce puits naturel formé par l'effondrement du sol à l'ère tertiaire pourrait être un lieu magique avec un pouvoir cannibale, mais ce n'est pas un gouffre noir où nos anciens peuples y faisaient des sacrifices humains.

                         Dans le massif de La Clape, de nombreuses failles ou galeries existent. Elles sont issues de la dissolution du calcaire en profondeur. Des effondrements calcaires se sont produits au dessus d'un réseau de grottes où abondait l'eau. Ce sont formés des avens. Mais le plus troublant à l'"Œil doux" est que l'eau est légèrement salée.

                           L'eau de la mer s'infiltrerait par une petite galerie dans cette résurgence et par l'effet des vases communicants viendrait saler l'eau et ferait varier son niveau au moment des équinoxes. Cette eau abreuvait les troupeaux au siècle dernier. Ses pulsations sont invisibles Des ingénieurs ont déversé un colorant, la fluorescéine, qui est ressortie trois kilomètres plus loin dans la Méditerranée, au large de Saint Pierre la Mer. Une question se pose ? Est-ce ce colorant qui donne encore cette couleur verte à l'eau où la présence des algues vertes qui se développent sur le fond situé à douze mètres.

                             L'équipe du Commandant Cousteau serait venue explorer les profondeurs. Les plongées ont permis de mettre en évidence une liaison avec la grande bleue sans plus de précisions.

                              Ne quittons pas de l'œil ( bien sûr ça va de soi) ce site exceptionnel qui attire les baigneurs imprudents qui sautent aux risques de leur vie du haut des 36 mètres de la falaise, de cette eau sournoise qui, encore cet été a pris vers son sans- fond une adolescente, qui en février 2012 immergeait le corps d'une jeune femme disparue de son domicile à Béziers, puis tout récemment en juin dernier, un jeune homme de trente deux ans est ressorti groggy après un saut de la falaise.

                              Notre rando se poursuivit dans cette combe qui remonte de St Pierre la Mer vers le parking  réaménagé par de nombreux plots de bois. En quelques enjambées nous voici arrivés à la Bergerie, cet écomusée situé à dix minutes du domaine de l'Houstalet. Cette bâtisse entièrement rénovée est ouverte tous les après midi en saison estivale. Elle expose des outils anciens du XXème siècle ayant servi au travail de la vigne tels des fûts de chêne, des comportes, des robinets de cuves, des masses pour ''quicher'' (presser) le raisin, des pals émaillés, un fouloir, des ciseaux de taille, un pulvérisateur, des pompes à vin et une belle collection de lanternes ( des caleïlles) de charrettes.

                              Le domaine de l'Houstalet qui abrite toujours ses chèvres naines, ses poules et sa laie de 200kg est toujours aussi attractif pour les grands et les petits.

    Belle randonnée un peu chaude.    

     

     

     

     

    JC d'Oc  09/2014 


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      Alors! Raconte! N° 142

     

     

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

                             Le faux monnayeur de Villespassans . 

           Conter c'est passer de l'écrit à l'oral et vice versa, c'est dire avec lenteur cette infime partie de la mémoire que l'on veut faire découvrir aux autres.

          J'aime raconter les histoires que j'ai retrouvées dans un vieux livre, remonter le temps dans des pages célèbres, c'est un prétexte au voyage dans le présent ou dans le temps, j'aime ma terre languedocienne, les vieux châteaux bouffés par les ronces ou par le lierre, les donjons demi écroulés encore ensoleillés le soir tombé. J'aime sa géologie qui nourrit et donne ce vin nectar des dieux.

          J'aime mettre quelques mots au service d'un personnage qui ne sera jamais réincarné. C'est l'hommage que je porte dans ces lignes à ....

          Dans ce petit village qui marque la transition entre plaine et garrigues du Pardailhan  Villespassans possède un "castrum", petite  agglomération fortifiée, mentionné dès 1180. En 1590, le village subit le siège lors des guerres de religion  suite à la rivalité entre le duc de Joyeuse et  Montmorency.

          L'église dédiée à Notre Dame de l'Assomption conserve à l'intérieur les traces d'une première construction datée vraisemblablement du Xème siècle. L' abside était fortifiée et le chœur était adossé aux remparts. Le clocher détruit a été réhabilité en 1857 et l'église agrandie en 1859.

         Les ruelles au tracé sinueux du centre ancien abritent encore quelques belles maisons médiévales. Les textes du XVIIIème siècle attestent de l'existence et la pratique d'activités pastorales notamment de l'élevage de chèvres. La vigne a remplacé progressivement la culture du seigle et de l'avoine. En 1910 les productions de Villespassans étaient la vigne et ... les truffes noires.

          Ce village était entouré de murailles et les seigneurs au Moyen Age percevaient un droit de péage pour les voyageurs qui passaient. D'où l'origine de son nom Villespassans ( Vilespassens en occitan : Villas passans 1159 signifiant Villas= domaine et de passans = passagers, vagabonds, le passage).

           Les maîtres du château furent plusieurs fois mêlés à l'histoire régionale dont la chronique judiciaire de mars 1712 fait écho. Le seigneur Joseph Marie Douzon de Cabrerolles de Villespassans,  qui possède le château est l'héritier de nobles magistrats. Son grand père était juge à Béziers, son père était conseiller à la Chambre du Parlement de Toulouse, sa mère était la fille du Président du Parlement de Toulouse. Donc son avenir était tout tracé vers la magistrature. Il deviendra Grand Chambrier, organe le plus prestigieux de la cour de Toulouse. Avec des complices, il cherchait des moyens pour s'enrichir. Faire de la fausse monnaie, transformer des anciennes pièces sans valeur en de nouvelles et les diffuser dans le royaume, rien ne pouvait arrêter ce magistrat toulousain qui ne pensait jamais être découvert vu son statut de privilégié . Il fit battre monnaie par de petites mains, des forgerons, des fondeurs et acheta des mortiers, des fourneaux, des barres de laiton, des crochets et des pierres de mine. Une bande fut constituée autour du chef J.M de Villespassans qui les protégea pour écouler la production de pièces contrefaites.

          Mais en mars 1712, ses complices le dénoncèrent. Il fut arrêté alors qu'il tentait de fuir. Villespassans fut emprisonné à la citadelle de Montpellier . Son jugement par la Grande Chambre du Parlement de Toulouse, après enquête, ne pouvait être fait par la cour dans laquelle sa famille était largement influente. A Toulouse des témoins à charge sont déboutés d'autres influencés reviennent sur leurs témoignages. Seuls les complices  sont condamnés à la pendaison avec leur corps brulé. D'autres sont envoyés aux galères.

         Au final, J.M de Villespassans pour preuve insuffisante est relaxé, son honneur est sauf mais il est interdit pour toujours des fonctions de sa charge. Il est écarté du Parlement qui voulant éviter une peine corporelle et infamante à l'un des siens préféra donner une meilleure image de l'autorité judiciaire.

         Dans cette affaire, les menaces contre sa famille d'avocats, les pairs sur son ordre ont influencé les juges qui n'ont pas vu en lui un faux monnayeur, lui évitant l'accusation de crime de lèse-majesté donc la pendaison.

         Durant les années qui suivirent, J.M de Villespassans, privé des  revenus de son office, eut de gros soucis financiers. Il dut revendre sa charge en 1715 à un autre avocat du Parlement qui avait d'ailleurs participé à son jugement. Ruiné, il loue une chambre chez l'habitant à Pézenas. Il meurt  à l'âge de 87 ans entouré de ses deux nièces  ne leur laissant que des dettes.

         Moralité de cette histoire. Les petits ont été jugés avec rigueur alors que les nobles n'ont même pas été réprimés.

           " Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir " - Jean de La Fontaine                           

    JC d'Oc 11/2014

     


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    Alors! Raconte! N° 140

                                        Peyriac de Mer - ses salines.

        En ce début d'octobre, nos pas de marcheurs ont foulé le sentier qui entoure l' étang du Doul à Peyriac de Mer en empruntant un passage planchéié qui permet l'accès à la colline du Mour. Le village de Peyriac de Mer est situé sur les bords de l' étang de Bages où au XVIème siècle son économie était tournée essentiellement vers la pêche, la récolte du sel et bien plus tard vers la viticulture. Pour honorer la profession de vignerons la commune a fait ériger une superbe sculpture composée de socs de charrues, de brancards hissés vers le ciel comme des bras et de roues métalliques enchevêtrées . Cet ouvrage d'art signale l'entrée de la passerelle de bois au dessus des anciennes salines du village.

        Pour éviter l'urbanisation sauvage du site, car du haut de la colline du Mour, la vue est exceptionnelle sur la mer, les étangs et sur l'île de Planasse située au milieu de l' étang de Bages, le Conservatoire du Littoral en 1981 a acheté les salines.

       L'exploitation du sel débuta depuis la plus haute Antiquité. La Narbonnaise romaine payait ses légionnaires en sel d'ou le nom de salarium qui donna naissance au mot salaire.C'est vers le XVIème siècle que les salines connurent leur pleine puissance de production.

       Mais honneur aux hommes qui durant plusieurs siècles ont ratissé le sel au râteau dans les marais-salants. Les sauniers portaient dans une banaste posée sur leur tête le sel pour être stocké en gerbes une dizaine de jours pour le laisser suer de ses eaux. Après un rapide nettoyage, le sel était ensuite entassé en "canelles" ( pyramides de sel) d' une hauteur de 4 à 6 mètres. Les sauniers recouvraient de tuiles les canelles, puis les expéditions à dos d' ânes s'effectuaient et après  plusieurs semaines de marche remplissaient les entrepôts à Toulouse. Avant tout départ les meneurs d'ânes devaient faire enregistrer le poids de sel par un contrôleur situé dans une guérite encore présente de nos jours sur le bord de la saline. Le sel au Moyen Age avait une grande valeur. C'était le seul moyen de conserver les aliments. Il permettait le séchage des poissons, la conservation des aliments. Cet "or blanc" était soumis à l'impôt ( la gabelle). C'est ainsi qu'une contrebande s'organisa par des faux-sauniers.

       En 1596, le roi Henri IV, pour arrêter ces trafics illicites qui appauvrissaient le trésor royal, condamna les salins du Languedoc à la submersion. Il s'en suivit une révolte des sauniers mais seuls les étangs de Sigean et de Peyriac furent épargnés de la peine. Les étangs de La Palme, de Gruissan et de Mandirac aux portes de Narbonne destinés à être submergés purent continuer sous certaines conditions. Les faux-sauniers arrêtés étaient marqués au fer rouge de la lettre G (gabelle). Ils pouvaient être envoyés aux galères en 1680. En 1703, les faux-sauniers constituaient plus du quart de l'effectif des galères.

       Cela aboutit à la création de la "Compagnie des Salins " en 1599.

       A compter du XVIIème siècle, les salins acheminèrent leur production par charrettes ou par bateaux dans de grandes barques appelées des "allèges" vers Narbonne dans des entrepôts. Mais pour passer dans les étangs de Bages- Sigean de faible profondeur il fallut des bateaux à fond plat appelés des "lizerons" pour remplacer les "allèges".

       Moitié du XVIIème siècle, Colbert, le "commis " du roi Louis XIV oriente les destinations vers Perpignan car le Roussillon devint une province française en 1659.

       Au XVIIIème siècle, le sel de Peyriac de Mer permet les salaisons des poissons à Sète. Le sel permet aussi la conservation de la charcuterie dans le Gévaudan en Lozère.

        De nos jours le chlorure de sodium est une ressource quasi-inépuisable. Il se présente sous deux formes soit minérale appelé sel gemme ou halite utilisé pour le déneigement des routes en hiver ou sous forme de cristallisation le sel de mer. Le sel de mer a continué à être utilisé dans le domaine industriel voici quelques décennies, notamment pour la fabrique du savon, pour le tannage des peaux du Tarn, vers les mégisseries de Mazamet et de Castres et comme composé chimique des engrais industriels toulousains (ONIA- AZF), dans la fabrication des fibres et plastiques, dans l'adoucissement de l'eau courante.

        Dans le domaine de l'industrie alimentaire, il est utilisé dans le traitement des fromages, des viandes, de la charcuterie ( salaisons des jambons de Lacaune), des poissons ( morues, anchois) et pour l'alimentation du bétail en Limousin.

        Actuellement sur le site le Conservatoire du littoral a réhabilité un ancien bâtiment militaire en musée qui relate des différentes étapes de la production et du traitement du sel. Ce musée, véritable "Mémoires d'étangs" est situé en bordure de la saline. Ce poste abritait des "gabelous" ancêtres des douaniers qui contrôlaient la production du sel.

       Ainsi se termina cette exploitation il y a près de quarante ans. Le vent, le soleil de notre région, à sa situation abritée par les dunes permirent durant des siècles au village de Peyriac de Mer de bénéficier d'une économie florissante. De nos jours, l'exploitation des marais salants s'est déplacée autour de Aigues Mortes, La Palme et Gruissan.

       Nos flamants roses n'ont pas de souci à se faire. Beaucoup de places leur sont réservées et les étangs leur apportent encore beaucoup de nourriture.

       Si vous apercevez le fantôme de Nicolas de Peyrac en compagnie d' Angélique Marquise des Anges. C'est une hallucination !!

       Si vous voulez vous baigner dans la saline, aucune crainte de noyade car l'eau, trois fois plus salée que la Mer Morte porte à merveilles, par contre la baignade sera très salée.

    JC d'Oc 10/2014


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