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     La chapelle St Victor de Fontjoncouse.

                  La chapelle St Victor de Fontjoncouse.

     

     

     

     

     

     


     Alors! Raconte!  N° 156

     

                                  La chapelle St Victor de Fontjoncouse.

     

          Du ciel bleu azur, une forte chaleur et beaucoup de pierres nous attendaient en cette randonnée de juin où nos pas nous amenèrent au pont aux Mourels dans le site du village de Fontjoncouse situé dans les Corbières, cette terre de contrastes où se mêlent la culture de la vigne et de l'olivier. Dès la sortie du village, un panorama surprenant s'offre à nos yeux, beaucoup de vieilles bergeries aux murs délabrés par le temps, des salines lointaines de Bages et de Sigean scintillantes au soleil vers une Méditerranée toute proche, les monts des Corbières, le Canigou au sud cette fois ci sans son manteau neigeux et devant nous, une sentinelle géante qui domine toute la contrée le pic de Saint Victor qui frappe le regard avec sa silhouette de sphinx un peu érodée. Ce puech minéral est issu du plissement pyrénéen du primaire.  Rien d'étonnant d'être surpris par cet environnement tourmenté où domine les murs d'une chapelle signes que des religieux sont venus prier à cet endroit séparant le ciel de la terre par leurs chants.

          L'histoire relate dans des documents de 963 l'existence d'une chapelle latine du nom de  "Ecclésia Sancti Victoria" sur cette montagne appelée Montévitréo ( la Montagne de verre) . Y a -t-il eu une corporation de verriers rapidement disparue dans le fond des âges? Beaucoup de légendes entourent et couronnent ce lieu mythique. L'énigmatique château de cristal de Brocéliante n'est-il pas né de ces croyances et légendes languedociennes.

           C'est au milieu du XIIème siècle que cet éperon rocheux reçu le patronyme chrétien de Saint Victor issue du latin "vitrum" qui désigne le verre. Pierre de Lerce, moine dissident de l'Abbaye de Fontfroide  toute proche fonda sur ce promontoire déjà couronné d' une chapelle l'Abbaye Sancti Victori de Montveyre qui recueillait des moines contestataires de l'abbaye de Fontfroide. L'abbé de Fontfroide excommunia les moines qui reçurent la protection ainsi que de nouvelles donations par les différents vicomtes de Narbonne et par les seigneurs du pays de Durban. Pierre de Lerce, ce nouvel abbé  en quelques années perdit son autorité  et quelques terres et fut rattaché à l'Abbaye cistercienne de Saint Victor de Marseille puis quelques années plus tard, suite au pardon du dernier Abbé commendataire de Fontfroide, les moines revinrent dans le giron de leur abbaye d'origine pour peu de temps avant que l'abbaye de Fontfroide ne soit vendue. Il faut noter que le manque d'eau sur ce lieu inhospitalier permit le déclin du petit monastère fondé par les moines.

           Par le temps, la tramontane et la pluie ont lessivé le passé et sur ce sommet, le petit site religieux se dégrada et la Révolution française faisant le reste, il ne subsista que ce petit bâtiment en semi-ruine tout près d'une vigie et d'un pylône de télécommunication et de télévision.

           Ne pourrait-on pas en haut de ce pylône faire briller une lampe pour conserver l'âme des moines martyres de ce petit monastère disparu ?

           Mais revenons à notre ballade des gens heureux sur ce beau point de vue et béatifions Saint Victor, ce géant de pierre dont la chapelle, empreinte sacrée, toise le petit monde d'en bas.

           De retour à Fontjoncouse nous nous sommes abreuvés de l' eau fraiche de la " Source aux Joncs " et nous avons appris que par un acte daté de 793 des colons espagnols avaient commencé par défricher les alentours donnant ainsi naissance au  village.

          De nos jours, le village est réputé pour son "Auberge du Vieux Puits" dirigé par Gilles Goujon ***  au guide Michelin. Nous aurions pu prendre un rafraichissement mais la note serait allée bien au-delà de notre budget.

    JC d'Oc 06/2015


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     Vivre en guerre en pays biterrois.

        Vivre en guerre en pays biterrois.    
     
     

     Alors! Raconte! N° 145

     

                                  Vivre en guerre en pays biterrois.

     

            Bien sûr, la vie sur le front n'était nullement comparable avec celle de l'Arrière. Dans le Midi, la fureur de l'artillerie et le bruit des canons, l'odeur des gaz et les corps en décomposition ne furent ni entendus ni ressentis par la population. Seuls, dans les hôpitaux, les blessés en provenance du front, les "gueules cassées" donnaient un aperçu de la dureté de cette guerre.Un ordre d' idée: Verdun - 162440 Français ont été tués sur le champs de bataille - quant aux blessés, s' il avait fallu les évacuer, il aurait fallu un convoi de civières long de 815 km. - 60 millions d' obus sont tombés en 300 jours soit une densité de 4 projectiles sur un mètre carré.

            Mais dans nos villages et à Béziers, l'absence des hommes se fit durement sentir surtout pour les travaux dans les vignes. Dans cette guerre qui commence à quelques semaines des vendanges, comme ailleurs, les femmes se sont mobilisées et ont assuré les travaux agricoles. Il n'était pas rare de voir trois femmes courageuses harnachées de chaines tirer la charrue pour labourer la terre car les chevaux avaient été réquisitionnés. Elles eurent besoins des conseils de leurs hommes et un échange de courrier prit forme pour gérer leurs affaires. La guerre a contribué à une évolution rapide des mœurs, à l'émancipation féminine mais aussi à une augmentation des divorces. Les hommes du front furent très préoccupés des conditions de vie de leurs femmes mais aussi très inquiets de la fidélité de leurs conjointes. Le quotidien devint difficile. Les produits de première nécessité se mirent à manquer.

     

                    Les prix du coton, du tabac, du charbon et des produits alimentaires augmentèrent. L'absence de pommes de terre a été durement ressentie en janvier 1917. Une inflation doubla les prix du vin, du sulfate de cuivre pour le traitement de la vigne. Les boulangers firent à partir du 6 mars 1917 une seule forme de pain en boule "le ceinturel" de 1kg et 1,5kg. Le pain augmenta de 4% avant-guerre à 77% en avril 1916 et 85% en juillet 1917. A partir de janvier 1918, une carte de pain fut instaurée pour chaque consommateur (200g/jour par personne), puis de nouvelles cartes pour le sucre et le charbon suivirent. L'Etat providence diminua ses secours. 17% de la population de Béziers demandèrent des allocations et les cas de fausses déclarations augmentèrent. Le marché noir fit son apparition et dans la vente de boissons, le mouillage fut fréquent surtout pour le lait, le vin et le vermouth. Enfin les Biterrois n'eurent pas faim mais ils se privèrent.

     

                Les informations sur les journaux donnaient toujours la même chose. Le "Petit Journal" se consacrait à 95% à la guerre pour informer. Les journalistes  ne savaient rien pendant plusieurs mois et il faudra attendre le 6 janvier 1915 pour qu'on puisse lire le terme "échec" sur la page Une et les premières descriptions des combats. Mais toujours de grands espaces blancs, des retraits par la censure.

     

                Pour le travail de la vigne, les Biterroises remplacèrent leur mari ou  fils mobilisé mais avec le départ des Jeunes Classes, le besoin de bras s'accrut. Les enfants de plus de 10 ans furent embauchés pour les vendanges. Les Alsaciens, Lorrains et Belges arrivés à Béziers dès le début des hostilités furent sollicités ainsi que des vendangeurs venus du Tarn, de l'Aveyron, de Lozère, de l'Ariège et du Lot louèrent leurs bras. Des viticulteurs Biterrois firent appel à de la main-d'œuvre espagnole. Tous ces travailleurs devaient être nourris, logés et payé 1,40 franc par jour plus les frais de transport. Des permissions agricoles - 152 en 1916 furent accordées à des militaires. Ce qui permit l'avancée des travaux. Et tous ces travailleurs mirent en culture la vigne et semèrent même des céréales avec les semences que l'Etat providence fournissait. L'Etat développa la mise en place d'allocations de secours pour les plus nécessiteux. Près de 10 000 demandes furent déposées ce qui représente 17% de la population de Béziers.

     

                A Béziers, il fallait affronter la mort. Sur le front la Mort survenait brutale, violente lors d'une attaque, dans un trou d'obus ou dans une tranchée. Le sacrifice des soldats Biterrois (27,39%)  fut supérieur à la moyenne de la France 20,50% la première année du conflit. 1914 et 1915 furent les années les plus meurtrières. Les Jeunes Classes 1911 à 1918 connurent le plus de pertes. Ce fut l'infanterie qui fut la plus touchée avec 1085 morts soit 85,47% du nombre total des décès. Le 96e RI qui était stationné aux casernes St Jacques compta 185 décès soit 14,5% des pertes. Le bilan est lourd soit un total de 1272 de morts sur le front et 200 dans les hôpitaux.

     

                Mais pour quelles raisons y a-t-il eu plus de morts en % à Béziers que dans les autres villes françaises ? Il ne faut pas oublier qu'en 1907, donc 7 ans auparavant, le 12 mai, le 17e Régiment d'infanterie stationné à Agde monte sur Béziers pour réprimer la révolte des vignerons. Les braves "piou-pious" sont tous de chez nous et refusent de tirer sur leurs frères. Les mutins campent sur le Allées Paul Riquet et posent pour la photo crosse en l'air. Pour cette raison les jeunes Biterrois lors de la mobilisation ont été envoyés et sacrifiés sur les lieux les plus vulnérables notamment en Lorraine ou il y eut 293 tués sur 759. Dès les premiers mois du conflit, Joffre s'en est pris aux Méridionaux prétextant qu'ils n'ont pas tenu sous le feu et qu'ils ont été la cause de l'échec de l'offensive puis il existait une forte rivalité entre Joffre et de Castelnau lors de la campagne de Champagne où ce dernier voulait replier son armée tandis que Joffre voulait une attaque à outrance. Enfin il ne faut pas oublier que de Castelnau était natif de  St Affrique et qu'il savait commander sans brusquer le Méridionaux.

     

       Stratégie !!

     

           Au début de la guerre, il y eut tant de morts qu'ils furent enterrés dans des fosses communes; c'était ainsi dans l'armée française. Lorsque les circonstances le permirent, les poilus décidèrent de les inhumer individuellement sous des croix de bois. Les cadavres  étaient relevés que lorsque  l'intensité des combats diminuait. Parfois les dépouilles restaient éparpillées plusieurs jours, voire plusieurs mois et les corps étaient méconnaissables. Les deux plaques d'identité du soldat qui pendaient à leur cou permettaient leur identification. Les dépouilles des simples soldats étaient placées en terre enroulées dans leur capote. Le cercueil était réservé seulement aux officiers. L'aumônier militaire administrait les derniers sacrements aux blessés. Dans une telle hécatombe, furent rares les familles épargnées par le deuil.  Le moment le plus redouté était l'annonce du décès dont le bulletin était porté en personne par le maire pour les petites communes ou par les services municipaux ou les gendarmes pour les villes. Mais il y avait aussi les portés disparus tel Jules Lhéritier originaire de Sérignan. N'ayant pas de nouvelles depuis le 5 novembre 1916, les parents, cousins et fiancée entreprirent des recherches en espérant qu'il était prisonnier, mais en vain. Ce n'est que quatre ans plus tard que le corps a été retrouvé et identifié par la plaque et les parents reçurent l'avis en juin 1921.

     

                  Dès 1915 les citations à l'ordre de l'armée étaient octroyées à tous les militaires morts ou vivants, que leur courage et leur dévouement au feu avaient rendu digne d'un tel insigne. Ces citations furent affichées par les mairies de l'Hérault sur ordre du préfet ainsi que les noms des militaires décorés de la Légion d'honneur ou de la médaille militaire. La croix de guerre fut instituée en avril 1915 et trois mois après la mention "Mort pour la France" sur avis militaire fut créée.

     

                   Enfin, quelques poilus eurent la chance de mourir chez eux, sur la terre qui les vit naitre, malheureusement quelques uns les poumons brûlés par l'ypérite, ce gaz de combat appelé aussi gaz moutarde. Non seulement il asphyxiait mais il brûlait aussi la peau et les muqueuses. Toute personne étant décédée pendant la guerre au service de la France eut droit à la reconnaissance posthume de l'Etat. A ce titre elle donna droit à la restitution des dépouilles et des affaires personnelles  des militaires morts au combat ou suites de leurs blessures aux familles, aux frais de l'Etat.

     

                 A Béziers, le 24 mars 1921, l'arrivée et l'inhumation des onze premiers corps firent l'objet d'obsèques solennelles qui marquèrent les esprits. Les cercueils partis de Creil le 21 mars arrivèrent à Montpellier qui les achemina par train vers Béziers. Une foule silencieuse attendait devant la gare et devant le parvis de la cathédrale St Nazaire. Les cercueils fleuris et drapés aux couleurs nationales, après une messe à la cathédrale furent suivis par un cortège de plus de 10 000 personnes vers les cimetières (neuf et vieux). Le maire P.Verdier prononça un long et émouvant discourt. Les autorités militaires rendirent un dernier hommage à tous les Biterrois morts pour la France.

     

                 Dans la majorité des villages la mairie a crée des concessions perpétuelles dans le carré militaire situé dans l'allée centrale. Le nombre total des " Morts pour la France " rendus aux familles héraultaises est autour de 25% avec des variations selon les communes.

     

                  A Sérignan, les familles eurent le choix d'inhumer leurs défunts enfants dans leurs caveaux familiaux ainsi 8 corps sur 42 furent inhumés près de leurs ancêtres. La municipalité, tout en son honneur, le 26 février 1924, une fois que tous les corps étaient  revenus décida de réaliser un majestueux tombeau collectif  situé près de l'allée centrale du nouveau cimetière non loin du monument aux morts.

     

                   A Cébazan, comme dans de nombreux villages de l'Hérault, le jour du 11 novembre, jour de l'armistice signé dans un wagon dans la forêt de Rothonde près de Compiègne, les enfants dont je faisais parti en présence des villageois appelaient un par un les 25 noms des soldats morts pour la France en 1914-1918 gravés sur le Monument aux Morts. Nous rendions ainsi fidèlement hommage à nos disparus.

     

                    La Belle Epoque d'avant la Grande Guerre n'était qu'un souvenir. La guerre de 14-18 transforma la société. La fin des hostilités ne mit pas fin aux difficultés. Des problèmes économiques, les reconstructions, le chômage furent le lien entre les deux guerres. La réintégration des poilus, des mutilés, des gueules cassées, de tous les traumatisés fut difficile. Les pacifistes, les Anciens Combattants dirent d'une même voix " PLUS JAMAIS CA". Ils pensaient aveuglément que cette guerre était la "der des ders", mais l'histoire en décida autrement. D'autres folies toucheront le monde entier et de 1914 à 1945 feront plus de 60 000 000 de victimes. Une arme nouvelle la bombe atomique, les 6 et 9 août 1945 fera 110 000 morts à Hiroshima et 80 000 morts à Nagasaki. Ainsi, ces quelques lignes souligneront avec véhémence le sens que prend la phrase du Maréchal Foch " Les peuples ne perdent la vie que lorsqu'ils perdent la mémoire". PLUS JAMAIS CA !

     

    JC d'Oc 02/2015

    Bibliographie: Des vignes aux tranchées de Béatrix Pau - mars 2014- Edition du Mont. Un livre remarquable que tous nos jeunes français devraient avoir lu.

    Blog généanet: retour sur les six premiers mois du quotidien des poilus.

    et bien d'autres.

     



     

     

     


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  •            Le passage de l'estive en 1948

     

              

      Le passage de l'estive en 1948

       Le passage de l'estive en 1948

     

     

     

     

    Alors! Raconte! N° 132

     

     

                                      Le passage de l'estive en 1948

     

     

           Dessine moi un mouton ! J'ai sauté sur mes pieds comme si j'avais été frappé par la foudre. J'ai bien frotté mes yeux. J'ai bien regardé et j'ai vu.....

          Comme le Petit Prince de Saint Exupéry,

          Nous attendions avec nos yeux d'enfant de 8 ans le passage de près de 500 moutons. C'était lors de la première quinzaine de mai 1948 que les troupeaux passaient dans le village de Cébazan. Ils ne redescendaient qu'au mois d'août pour les jeunes agneaux et fin septembre pour la totalité des troupeaux, car l'agnelage était proche et les brebis n'aiment pas le froid. Il arrive même que des bêtes s'échappent du troupeau et reprennent seules la piste pour revenir au bercail.

           Le printemps était chaud et dans les plaines de l'Ariège pyrénéenne, l'herbe était devenue rare et pour nourrir les brebis, il n'était pas rare que les bergers amènent leurs troupeaux en estive sur le Causse Méjean puis sur le plateau de l'Aubrac et de la Margeride où l'herbe était plus grasse. La draille de la colline de Montmajou , cette piste  étroite et caillouteuse était réservée au passage des moutons qui montaient  en estive, terme employé dans les Pyrénées. Dans les autres régions, les bêtes montent en alpage.

           Les bergers qui guidaient les animaux étaient originaires d'Andorre. Ils devaient suivre un itinéraire précis. Vêtus de pantalons en velours, coiffés de grands chapeaux anticonformistes de feutre noir, munis de leur bâton de berger dont la poignée était en forme de boule qui servait à tuer les serpents, ils encadraient cette masse mouvante de brebis qui descendaient la colline avec des chiens qui obéissaient au moindre sifflet du maitre. Le tintement des sonnailles des premières brebis  annonçait leur arrivée. Passaient d'abord les premiers moutons, les meneurs, qui étaient les plus âgés. Ils reconnaissaient l'itinéraire qu'ils avaient emprunté l'année précédente  Quelques ânes portaient le nécessaire de l'intendance.

           En ce printemps tardif , le village était en émoi. Habitués depuis l'année 1942 à une telle manifestation, les gens, précautionneux avaient rentré tous les vases de fleurs qui décoraient leur devant de porte. Que faire pour un village de 350 habitants devant le déferlement de 500 animaux qui avalaient sur leur passage tout ce qui était vert. Ripaille appréciée: les géraniums des villageois. Par cet affluence massive d'animaux  un bouchon dans la rue principale du village s'était formé et nous qui étions très jeunes, nous nous précipitions vers ces bêtes pour caresser cette fourrure épaisse qui sentait le suint . Nos mains après plusieurs lavages étaient très douces au toucher car elles étaient imprégnées de lanoline.

           Les pauvres fleurs qui n'avaient pas pu être rentrées étaient une proie facile, mais, consolation les brebis laissaient sur leur passage une couverture de "cagarelles", billes fécales qui activaient la repousse des racines de nos défuntes fleurs. Les chiens s'activaient autour des bêtes. Ces gardiens de troupeaux des "border Collie" avaient un poil long, l'œil toujours en éveil, fidèles à leur maître. Ils obéissaient aux ordres du berger à la patte et à l'œil. Ils comprenaient les gestes de la main que leur maître leur ordonnait de faire et le langage que seuls ils pouvaient interpréter  " A stanga" : à gauche , "cultat": avance, "dréapta": à droite " spati": doucement  Mais pourquoi un seul des trois chiens obéissaient  à l'ordre verbal? Les autres restaient en attente du coup de sifflet qui les concernait. En effet, les chiens avaient été dressé les uns en Espagne et ne comprenait que le catalan, un autre en Provence et ne comprenait que le provençal et le dernier ne comprenait que le français. "chope la ! Nique la ! Couché ! Pas bouger !". Ils ne devaient jamais mordre sans raison  ni aboyer. Ces chiens  sont très intelligents  il faut qu'ils soient juste où il faut et au moment où il faut et surtout très attachés à leur maître. D'ailleurs, le maître le leur rendait bien.

           Mais les animaux qui devaient brouter au passage les herbes maigres se régalaient avec les jeunes pousses de pins. Ce fut le début de la déforestation des collines qui bien plus tard durent être reboisées.

            De nos jours, les petits troupeaux existants n'estivent plus. Ils sont en train de mourir malgré l'encouragement à produire du lait pour faire le fromage des rois, le roi des fromages: le fameux Roquefort. On  regrettera avec nostalgie ce patrimoine vivant. Pour qu'il y ait un réveil, il faudrait faire de grosses unités pastorales et cultiver du fourrage en Languedoc.

             Enfin un premier pas vient d'être fait par une convention de désherbage signée sur le bassin versant du Lirou par les villages de Quarante , Creissan, Puisserguier et Cébazan. Depuis novembre 2013, Ricardo et sa femme Celine conduisent leurs 1000 brebis de pâturages en pâturages dehors sur des "hermas" et des terres incultes toute l'année, par tous temps, sans rentrer en bergerie. On dort à la belle étoile et l'on se lève avec le soleil. Ce projet éco-pastoral pourrait s'étendre dans d'autres communes, ce qui permettrait de nettoyer naturellement et gratuitement friches et champs. Des accords de pâture ont été signés avec Murviel les Béziers et le Faugèrois.


               Les bergers des villages de Nissan-Lez-Enséeune, de Vendres, de Fleury et de Lespignan conduisent 1500 brebis de la plaine et des prés salés jusqu'aux estives pyrénéennes.Dans chaque village c'est une procession et une animation inoubliable. On assiste à la tonte, le filage de laine, la fabrication des sonnailles et au traditionnel repas de la Transumance avec grillades se côtelettes d'agneaux élevés par les bergers. Nous ne pouvons que louer cette belle initiative. 

    JC d'Oc  02/2014.

     

     


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          Le prieuré Saint Michel de Grandmont.       Le prieuré Saint Michel de Grandmont.    
               
     
     

    Alors! Raconte! N°138

     

     

     

                                    

                                  Le prieuré Saint Michel de Grandmont

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              Le chemin de l'histoire passe par les Balcons de Soumont où le passé religieux de la Région ressurgit avec sobriété lors de notre dernière randonnée avant les grosses chaleurs de l'été.

     

              Le prieuré de Grandmont s'élève à 440m d'altitude, il domine la vallée de l'Hérault au cœur de la commune de Saint Privat. Cet ancien monastère fondé en 1259 par Guillaume de Cazouls est un sanctuaire préservé de l'Ordre de Grandmont. Cet Ordre fondé au XIe siècle par l'ermite Etienne de Muret en Limousin imposait une règle de pauvreté, une vie dure à ses moines,  un retrait du monde dans la solitude, l'application de l'Evangile à la lettre, le devoir de faire la  charité et l'hospitalité et de travailler juste pour vivre sans enrichissement. Donc pas de dîmes, pas de troupeaux ni de domaines trop éloignés.  Très proches des paysans, les moines acquirent l'affection du peuple des campagnes qui les appelaient "les bonshommes".

     

                 Cette propriété dévoile d'entrée aux visiteurs une architecture romane simple et harmonieuse. Au dessus de la porte de la chapelle réservée au prieur domine une pierre de récupération en lettres romanes dédiée à l'archange Saint Michel. { CONSECRATA EST HEAC AULA XI KL. JUNII IN HONORE SCI MICHAELI ARCANGELI - ce sanctuaire a été consacré le 11 des calendes de juin en l'honneur de saint Michel archange } Pourquoi St Michel? Cet ange était chasseur des mauvais esprits, donc il devait purifier le lieu des croyances païennes inspirées par la présence des dolmens. C'est la raison pour laquelle le prieuré n'a pas été dédié à la Vierge comme le sont les soixante établissements grandmontains en France et que les mégalithes sont gravés de croix non pour leurs conversions mais en signe de purification. La chapelle Saint Michel est éclairée au soleil levant par deux vitraux représentant à gauche Saint Michel et à droite Saint Etienne le Majeur lapidé, un lien avec St Etienne de Muret fondateur de l'Ordre. Construite au XIIe siècle cette chapelle était affectée aux laïcs et surtout aux femmes qui n'étaient pas admises dans l'église des religieux.

     

                 L'église de la fin du XIIe siècle possède une nef rectangulaire réservée aux frères et aux serviteurs. Pas de piliers, ni d'arcs, ni de fenêtres sur les côtés, seule la nef sur une abside semi-circulaire est éclairée par trois hautes fenêtres. Le volume intérieur complètement nu crée un climat propice au recueillement. Le seul luxe de l'église de Grandmont  est sans contexte l'élégant petit clocheton octogonal d'architecture byzantine qui s'élève sur la toiture.

     

                Dans la salle capitulaire ou salle du chapitre, les moines se réunissaient tous les jours pour gérer la vie spirituelle, ecclésiastique et même la vie temporelle. C'est là où le prieur enseignait aux moines le temporel. C'est aussi là où les moines s'accusaient de leurs fautes. C'est le seul endroit où les moines pouvaient parler en demandant toujours l'autorisation au prieur. Ils pouvaient chanter mais pas de paroles. C'est dans cette salle où les moines convers (ceux qui travaillent aux champs) pouvaient stocker les outils et les denrées nécessaires à la vie communautaire. Seuls ces moines convers avaient le droit de boire du vin mais en petite quantité.

     

                C'est au début du XIIIe siècle que le prieuré prend de l'importance. Son bienfaiteur l'évêque de Lodève Guilhem de Cazouls  donne non seulement les revenus d'une église mais aussi la vaste forêt qui entoure les bâtiments. L'évêque  sera inhumé en 1259 au pied de l'autel de l'église.

     

                 Puis au XIVe siècle les temps difficiles arrivent. La discipline fléchit et les donations diminuent. Le seigneur du Bosc, commune voisine, revendique la juridiction et le droit de chasse sur les terres du monastère. Les habitants du Bosc font paître leur bétail et coupent le bois sur le domaine de Grandmont. Le pape Jean XXII constitue un prieuré monastique de quatorze religieux. En 1325, afin de protéger ses biens, le prieuré se place sous la protection royale de Charles IV. C'est la raison pour laquelle des fleurs de lys ont été gravées sur les bâtiments, les arbres et même sur les dolmens.

     

                    La guerre de Cent Ans, les guerres de religion passèrent sans trop de dommages malgré la baisse des revenus et au XVIIe siècle quatre religieux vivaient encore sur le domaine. En 1772, l'Ordre de Grandmont sera supprimé par le roi Louis XV et le monastère, son domaine et ses revenus seront attribués à la cathédrale Saint Fulcran de Lodève.

     

                    La Révolution française fera le reste. Déclaré bien national, il est vendu aux enchères en 1791 à un négociant de Lodève. En 1849, il est revendu à Etienne Vitalis qui transformera les bâtiments monastiques en de vastes chais et aménagera les ailes Sud et Est en appartements.

     

                   En 1957, la famille Bec avec l'aide des Monuments Historiques restaurera l'église et le cloître.

     

                   La visite n'est pas encore terminée, le cloître avec son extrême sobriété, le passage en escaliers qui montent au dortoir des moines, le réfectoire et sa cuisine avec sa cheminée cylindrique. C'est dans ce  foyer où étaient cuites les hosties pour les paroisses environnantes. Puis pour finir car on pourrait tout recommencer le cimetière où les moines venaient tous les jours prier sur les tombes de leurs morts. { Ora pro eis - priez pour eux}

     

                   De nos jours, ce lieu chargé d'histoire accueille des rencontres culturelles et propose des concerts bien servis par l'acoustique de l'église.

     

    JC d'Oc 06/2014.

     


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       La Couvertoirade    
         La Couvertoirade     La Couvertoirade
     
     


    Alors! Raconte! N° 127

     

     

                                                      La Couvertoirade.

                       

             Les baladins qui serpentaient sur le parc naturel des Grands Causses venaient de loin. Nos pas de randonneurs, après avoir traversé le plateau aride du Causse du Larzac, nous ont amené aux portes de ce petit village fortifié qui n'a que 173 habitants. L'origine de son nom était "lieu couvert de forêts et de pierres". Et pourtant, toutes ces roches sculptées par l'érosion apparaissent comme un paysage ruiniforme, intemporel où les forêts ont disparu depuis que l'homme a exercé un déboisement intensif des chênes verts et n'a laissé qu'un univers de  chaos rocheux parmi lesquels  paissent des troupeaux de moutons. Mais à 10 m de profondeur, l'eau est en abondance sur ce plateau particulièrement aride. Ce village est un des seuls villages d'Europe qui n'a pas été construit à proximité d'une source. Il faut puiser l'eau dans une citerne appelée la " conque" située sous les murs de l'église.

     

            C'est l'Ordre militaire des Templiers, ces moines soldats qui protégeaient les pèlerins du temps des croisades, obéissant au Commandeur templier de Sainte Eulalie de Cernon qui du 12ème jusqu'à la moitié du 15ème siècle ont construit sur ce rocher stratégique vers la Terre Sainte, un château en 1249 pour protéger les gens du village qui travaillaient leurs champs de blé.Les Templiers étaient devenus leurs gestionnaires. Le village s'agglutina tout autour pour se protéger des brigands "routiers" qui pillaient le Larzac.  Les Templiers vont gérer les terres jusqu'en 1312 et réorganiser  le pastoralisme car il fallait des activités rentables pour entretenir les combattants en Terre Sainte. Plus tard, ils seront remplacés par les Chevaliers-Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Ces derniers en 1445, sous la direction du maître maçon Déodat d'Alaus,  construiront l'église, l'enceinte fortifiée avec ses tours, les portes et les murailles qui sont encore intactes de nos jours. L'église sera intégrée dans les murs des fortifications et une tour de défense sera construite au dessus même du chœur mais le poids trop important de l'ouvrage fera écrouler l'édifice. L'église sera reconstruite et lors de sa visite on peut voir les deux types de construction. L'enceinte fortifiée mesure 420m de longueur et 1,30m d'épaisseur avec archères et chemin de ronde.

     

               En 1307, la richesse des Templiers puis des Hospitaliers, ces ordres religieux faisaient trembler la souveraineté du roi Philippe le Bel car ils accumulaient de grandes fortunes par les pillages des villes lors des croisades. Ils devinrent rapidement très riches et prêtèrent même de l'argent au roi. Le roi fit un procès pour éliminer l'Ordre des Templiers ainsi la dette qu'il devait devenait caduque. Jacques de Molay, Grand Maître de l'Ordre, accusé d'hérésie, fut d'abord emprisonné dans la prison du Temple à Paris puis sept ans plus tard, refusant les chefs d'accusation portés sur sa personne, il fut conduit vers la Place aux Juifs et condamné au bûcher. Ses cendres furent jetées en Seine. Cent quarante chevaliers du Temple présents furent arrêtés et exécutés. L'année 1314 sonna la fin de l'Ordre de Templiers.

     

            Faisons quelques pas dans ce village et l'on s'aperçoit qu'aucune maison n'est accolée à sa voisine. Entre elles, un interstice ne doit rien au hasard. Chaque toit est équipé de corbeaux qui récupéraient l'eau de pluie et des chéneaux en terre ou en bois acheminaient l'eau dans la citerne de la cave. C'était la seule eau potable utilisée pour se laver, pour boire et pour subvenir à tous les usages domestiques. Lors des orages, l'eau s'écoulait dans les rues en pente du village et sur la placette du village, il y avait une mare qui servait pour abreuver les animaux. C'était la première des lavognes. Pour les gens du village, il y a les conques et les citernes et pour les animaux, il y a la mare. Puis il y a eu tellement de maladies qu'il fut décidé d'envoyer l'eau d'écoulement dans ce déversoir que l'on voit à l'extérieur du village. Cette réserve d'eau que l'on nomme lavogne fut construite en 1895. Elle est la lavogne la plus célèbre du Larzac.

     

            Au pied de l'église, cachée sous un épais feuillage se trouve la conque, ce trou toujours rempli d'eau souterraine. Comme l'eau est potable, l'usage voulait que les femmes viennent la puiser avec des seaux accrochés à une corde. Elles portaient ainsi trois seaux, un sur la tête , deux seaux par les mains. C'était la corvée d'eau peu réjouissante.

     

           Une autre chose très singulière est "le don de l'eau". Par une archère (trou par lequel on tirait des flèches) on faisait couler de l'eau puisée dans la conque. Cette eau remplissait une auge en pierre et les pèlerins à l'extérieur pouvaient ainsi boire sans entrer dans le village. Cette œuvre de charité permettait aussi de se protéger des épidémies telle la peste portée par les  personnes. Ce système fonctionne encore mais il est peu visitable car il est envahi par la végétation.

     

           Un autre endroit insolite est le cimetière qui jouxte l'église. Des stèles discoïdales essentiellement constituées d'un disque porté sur un pied nous font voyager vers le Moyen Age. Ce cimetière très ancien a été partagé en deux parties lors de la construction des remparts en 1445.

     

           La tour Sud est une tour carrée qui par manque d'entretien s'est effondrée en janvier 1912. C'est par cette porte où passent la plupart des baladins. Dans les années 40 elle a été restaurée et l'on peut encore y voir un escalier qui permet l'accès à la barbacane.

     

           La tour Nord appelée aussi Portail du Haut (d'Amount en occitan) est haute de 20m et couronnée d'un mâchicoulis. Une particularité religieuse, dans une niche, au dessus de la porte se trouve la reproduction de la statue de St Christol, ce géant qui aidait les pèlerins pour franchir les cours d'eau. Ce saint porta le Christ enfant sur ses épaules d’où son surnom " Christo Phoros" ; celui qui porte le Christ.

     

            Bien d'autres endroits mériteraient l'histoire qu'ils portent telle cette dernière que j'ai eu la chance de me faire expliquer par Henri UCHEDA, ancien potier du village qui s'apprêtait à….faire des mots et des pains dans le petit four banal du village. Dans les ruines de ce petit four est né cet espace de théâtre où les beaux mots et le bon pain se mettent en bouche.

     

           Mais qu'est ce un four banal surtout à la Couvertoirade ?

     

            Les Hospitaliers au 14éme siècle ont construit un four à pain. Ils percevaient auprès des villageois à chaque cuisson une taxe dite "banalité" d'où l'origine du qualificatif du four (banal). Le fournier, Maître de cuisson attendait que les paysannes viennent avec la pâte et les mets préparés à la maison. Pendant que toutes ces bonnes choses cuisaient sous la voûte foyère  notre fournier bavardait avec les gens et leur racontait des contes et des légendes de la région. C'était le temps ancien des troubadours. Maintenant, des conteurs, des lecteurs, des slameurs, des humoristes, des chanteurs jouent du mot et du verbe. L'or des mots rares joue avec le doré des pains cuits.

    JC d'Oc 06/2013.

     

      


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