• La Couvertoirade

     

       

     

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    Alors! Raconte! N° 127

     

     

                                                      La Couvertoirade.

                       

             Les baladins qui serpentaient sur le parc naturel des Grands Causses venaient de loin. Nos pas de randonneurs, après avoir traversé le plateau aride du Causse du Larzac, nous ont amené aux portes de ce petit village fortifié qui n'a que 173 habitants. L'origine de son nom était "lieu couvert de forêts et de pierres". Et pourtant, toutes ces roches sculptées par l'érosion apparaissent comme un paysage ruiniforme, intemporel où les forêts ont disparu depuis que l'homme a exercé un déboisement intensif des chênes verts et n'a laissé qu'un univers de  chaos rocheux parmi lesquels  paissent des troupeaux de moutons. Mais à 10 m de profondeur, l'eau est en abondance sur ce plateau particulièrement aride. Ce village est un des seuls villages d'Europe qui n'a pas été construit à proximité d'une source. Il faut puiser l'eau dans une citerne appelée la " conque" située sous les murs de l'église.

     

            C'est l'Ordre militaire des Templiers, ces moines soldats qui protégeaient les pèlerins du temps des croisades, obéissant au Commandeur templier de Sainte Eulalie de Cernon qui du 12ème jusqu'à la moitié du 15ème siècle ont construit sur ce rocher stratégique vers la Terre Sainte, un château en 1249 pour protéger les gens du village qui travaillaient leurs champs de blé.Les Templiers étaient devenus leurs gestionnaires. Le village s'agglutina tout autour pour se protéger des brigands "routiers" qui pillaient le Larzac.  Les Templiers vont gérer les terres jusqu'en 1312 et réorganiser  le pastoralisme car il fallait des activités rentables pour entretenir les combattants en Terre Sainte. Plus tard, ils seront remplacés par les Chevaliers-Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Ces derniers en 1445, sous la direction du maître maçon Déodat d'Alaus,  construiront l'église, l'enceinte fortifiée avec ses tours, les portes et les murailles qui sont encore intactes de nos jours. L'église sera intégrée dans les murs des fortifications et une tour de défense sera construite au dessus même du chœur mais le poids trop important de l'ouvrage fera écrouler l'édifice. L'église sera reconstruite et lors de sa visite on peut voir les deux types de construction. L'enceinte fortifiée mesure 420m de longueur et 1,30m d'épaisseur avec archères et chemin de ronde.

     

               En 1307, la richesse des Templiers puis des Hospitaliers, ces ordres religieux faisaient trembler la souveraineté du roi Philippe le Bel car ils accumulaient de grandes fortunes par les pillages des villes lors des croisades. Ils devinrent rapidement très riches et prêtèrent même de l'argent au roi. Le roi fit un procès pour éliminer l'Ordre des Templiers ainsi la dette qu'il devait devenait caduque. Jacques de Molay, Grand Maître de l'Ordre, accusé d'hérésie, fut d'abord emprisonné dans la prison du Temple à Paris puis sept ans plus tard, refusant les chefs d'accusation portés sur sa personne, il fut conduit vers la Place aux Juifs et condamné au bûcher. Ses cendres furent jetées en Seine. Cent quarante chevaliers du Temple présents furent arrêtés et exécutés. L'année 1314 sonna la fin de l'Ordre de Templiers.

     

            Faisons quelques pas dans ce village et l'on s'aperçoit qu'aucune maison n'est accolée à sa voisine. Entre elles, un interstice ne doit rien au hasard. Chaque toit est équipé de corbeaux qui récupéraient l'eau de pluie et des chéneaux en terre ou en bois acheminaient l'eau dans la citerne de la cave. C'était la seule eau potable utilisée pour se laver, pour boire et pour subvenir à tous les usages domestiques. Lors des orages, l'eau s'écoulait dans les rues en pente du village et sur la placette du village, il y avait une mare qui servait pour abreuver les animaux. C'était la première des lavognes. Pour les gens du village, il y a les conques et les citernes et pour les animaux, il y a la mare. Puis il y a eu tellement de maladies qu'il fut décidé d'envoyer l'eau d'écoulement dans ce déversoir que l'on voit à l'extérieur du village. Cette réserve d'eau que l'on nomme lavogne fut construite en 1895. Elle est la lavogne la plus célèbre du Larzac.

     

            Au pied de l'église, cachée sous un épais feuillage se trouve la conque, ce trou toujours rempli d'eau souterraine. Comme l'eau est potable, l'usage voulait que les femmes viennent la puiser avec des seaux accrochés à une corde. Elles portaient ainsi trois seaux, un sur la tête , deux seaux par les mains. C'était la corvée d'eau peu réjouissante.

     

           Une autre chose très singulière est "le don de l'eau". Par une archère (trou par lequel on tirait des flèches) on faisait couler de l'eau puisée dans la conque. Cette eau remplissait une auge en pierre et les pèlerins à l'extérieur pouvaient ainsi boire sans entrer dans le village. Cette œuvre de charité permettait aussi de se protéger des épidémies telle la peste portée par les  personnes. Ce système fonctionne encore mais il est peu visitable car il est envahi par la végétation.

     

           Un autre endroit insolite est le cimetière qui jouxte l'église. Des stèles discoïdales essentiellement constituées d'un disque porté sur un pied nous font voyager vers le Moyen Age. Ce cimetière très ancien a été partagé en deux parties lors de la construction des remparts en 1445.

     

           La tour Sud est une tour carrée qui par manque d'entretien s'est effondrée en janvier 1912. C'est par cette porte où passent la plupart des baladins. Dans les années 40 elle a été restaurée et l'on peut encore y voir un escalier qui permet l'accès à la barbacane.

     

           La tour Nord appelée aussi Portail du Haut (d'Amount en occitan) est haute de 20m et couronnée d'un mâchicoulis. Une particularité religieuse, dans une niche, au dessus de la porte se trouve la reproduction de la statue de St Christol, ce géant qui aidait les pèlerins pour franchir les cours d'eau. Ce saint porta le Christ enfant sur ses épaules d’où son surnom " Christo Phoros" ; celui qui porte le Christ.

     

            Bien d'autres endroits mériteraient l'histoire qu'ils portent telle cette dernière que j'ai eu la chance de me faire expliquer par Henri UCHEDA, ancien potier du village qui s'apprêtait à….faire des mots et des pains dans le petit four banal du village. Dans les ruines de ce petit four est né cet espace de théâtre où les beaux mots et le bon pain se mettent en bouche.

     

           Mais qu'est ce un four banal surtout à la Couvertoirade ?

     

            Les Hospitaliers au 14éme siècle ont construit un four à pain. Ils percevaient auprès des villageois à chaque cuisson une taxe dite "banalité" d'où l'origine du qualificatif du four (banal). Le fournier, Maître de cuisson attendait que les paysannes viennent avec la pâte et les mets préparés à la maison. Pendant que toutes ces bonnes choses cuisaient sous la voûte foyère  notre fournier bavardait avec les gens et leur racontait des contes et des légendes de la région. C'était le temps ancien des troubadours. Maintenant, des conteurs, des lecteurs, des slameurs, des humoristes, des chanteurs jouent du mot et du verbe. L'or des mots rares joue avec le doré des pains cuits.

    JC d'Oc 06/2013.

     

      


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