• Le train jaune de la Cerdagne

     

     

     

     

          
     Alors! Raconte! N° 91 

     

                                             Le train jaune de la Cerdagne

     

     

     

            Dans ce pays catalan où se dresse la forteresse Vauban de Mont Louis avec son premier four solaire mais aussi Font Romeu et bien d'autres villages  dont les murs en pierre de schiste et leurs toits de lauzes attestent cette vie rude et attachante des montagnards qui n'avaient pas la vie facile. Pour sortir ces gens de leur enclavement sur ce plateau situé à près de 2000 mètres, il fallait un moyen de communication plus moderne. Les diligences  mettaient au siècle dernier plus de 7 heures pour gravir cette voie ''Romanica'' sans compter les jours de tempêtes de neige lors de la mauvaise saison où la circulation ne pouvait avoir lieu. Pendant quatre mois de l'année, les catalans d'en haut étaient coupés du reste du monde d'en bas. Ils ne pouvaient que contempler les pics enneigés couronnés de blanc du Carlit, du Puigmal, du Madriess, du Coronate et du Cambrodat.

     

           L'arrivée d'un train permettrait de donner un essor économique à cette région. Cela permettrait de transporter le minerais de fer que l'on extrayait de cette montagne pyrénéenne et d'appeler les premiers touristes.

     

           Un homme d'exception Emmanuel Brousse, fils d'un imprimeur de Perpignan s'intéressa  au tourisme de la Cerdagne. Il décrivit la configuration du terrain accidenté allant de Villefranche de Conflent jusqu'à Mont Louis. Devenu député des Pyrénées Orientales, il anima le projet d'un train, s'appuyant sur la nouvelle loi ''Freyssinet'' qui permettait de mailler les territoires isolés de la France de Chemins de fer d''intérêt public  C'est ainsi que la construction de la ligne débuta en août 1903 après 22 ans de combat acharné de Emmanuel Brousse. Les travaux vont être titanesques. Il faudra construire des ponts au dessus de canyons vertigineux.  Près de 1500 ouvriers terrassiers, mineurs, tailleurs de pierre, géomètres venant de partout vont mener à bien cette construction. Sans compter les nombreux espagnols qui viendront de la frontière toute proche. Même des enfants seront occupés comme manœuvres. On travaillait jeune en ces temps là!

     

              De nombreux accidents se produiront notamment celui de 1906 où de nombreux ouvriers furent ensevelis sous des tonnes de rochers et de terre. Au pont Gisclard, un terrassier se tue en faisant une chute de 25m

     

              C'est la Compagnie du Midi qui va s'occuper des travaux et ce n'est qu'en 1937 que cette ligne sera rattachée à la toute nouvelle SNCF.

     

             Cette ligne de 63 km  avec ses 650 ouvrages d'art est toujours la plus haute de France. La construction débuta dans la citadelle de Villefranche de Conflent en 1903 et il faudra attendre 1910 pour que le train arrive à Mont Louis. En 1927, il atteindra Latour de Carol et fera la jonction avec la ligne franco espagnole qui reliait Toulouse à Barcelone. Il faudra percer 19 tunnels, construire 8 gares ( Villefranche de Conflent, Olette, Fontpédrouse, Mont Louis La Cabanasse, Bolquère Eyne, Saillagouse, Bourg Madame et Latour de Carol. La gare de Bolquère située à 1512m d'altitude sera la gare la plus haute de France. Il faudra aussi construire le barrage des Bouillouses mis en service en 1910 pour alimenter en électricité  le 3ème rail du petit train en 850 volts. Ce barrage produit 10 fois plus d'énergie que n'en demande le ''Canari''. 14 viaducs enjamberont des torrents qui alimentent la Têt. Les plus exceptionnels sont le viaduc vouté Séjourné et le Pont suspendu Gisclard.

     

               Mais le 31 octobre 1909, c'est le jour du test du matériel et celui de la ligne. Dans le petit matin, le premier train peint en jaune, lourdement lesté, s'aventure sur la nouvelle ligne. Il se compose de 4 wagons plats remplis de dizaines de tonnes de rails et de 4 automotrices . A la conduite, l'ingénieur en chef Albert Gisclard, le concepteur du projet, fait les tests de roulement en terrain plat. Le convoi s'arrête. Satisfait, il décide de repartir pour assurer les arrêts dans les gares suivantes. Les sabots en bois sur les rails sont retirés et le convoi s'élance dans la première pente à 6%. Le conducteur constate que la pression du compresseur est trop basse. Il active la manette pour faire remonter la pression d'air mais hélas, le convoi roule de plus en plus vite. Il s'approche du viaduc surplombant la Têt. Les boggies crissent dans les virages, l'ingénieur ordonnent aux ouvriers de sauter, mais avec le bruit et le vent, ils n'entendent rien. Rien ne peut arrêter la vitesse du convoi. C'est l'affolement que dis-je la panique! C'est la course de la mort. Les ouvriers, conscients que la catastrophe est inévitable  se mettent à sauter. Les malheureux se fracassent contre les rochers et passent même sous le train.

     

                 Et tout à coup, dans le virage de Rafin, la première automotrice déraille et précipite dans sa chute les autres wagons dans le ravin, 30 mètres plus bas dans un fracas épouvantable. Un silence pesant et interminable  s'installe puis au bout de quelques minutes, on entendit des cris qui s'élevaient du tas de ferraille. Des hommes tentaient de sortir de ce tas de fers tordus, de roues fumantes, de ce piège de fer. On déplora de nombreux blessés et de morts. Les secours vont mettre très longtemps pour arriver dans cette zone accidentée. Les 6 premières victimes extraites devancèrent notre jeune ingénieur Albert Gilclard 20 ans. Plus tard une plaque à son nom commémorera le lieu de l'accident et le pont suspendu portera son nom.

     

                 Les détracteurs contre le projet furent nombreux surtout à la Chambre des Députés. Certains brailleurs mêmes voulaient faire suivre le train d'un corbillard. Cet accident retarda son inauguration officielle à l'année suivante en juillet 1910.

     

                  A toute chose, malheur est bon ! On équipa le train de trois types de freins. Le frein continu voyageurs où tous les essieux sont freinés. Il est équipé de boyaux sous pression d'air ( le frein Westinghouse) qui maintiennent les mâchoires ouvertes. La moindre décompression ou le tirage de la manette d'alarme arrête le convoi. Le deuxième frein est constitué  d'un circuit indépendant de boyaux hydrauliques pour palier à une éventuelle panne du compresseur du Westinghouse. Le troisième frein  est le frein à vis de tête où le mécanicien au moyen d'une roue actionne une vis sans fin qui abaisse sur le rail quatre sabots. Ce dernier est très utile à l'arrêt.

     

                    Les esprits  calmés, le premier train jaune arrive à Mont Louis - La Cabanasse. Toutes les hautes personnalités à col blanc, accompagnées de leurs femmes habillées de leurs superbes robes catalanes et de tous leurs plus beaux atours, ceux qui sont mis pour danser la Sardane assistent à l'inauguration de ce train tout peint en jaune et rouge - couleurs sang et or.

     

                    L'arrivée sous les sifflets de la motrice, les hourras et la Marseillaise  chantée en cœur par les invités furent fêtés dignement par toute la Cerdagne. Dès le premier mois, 30.000 voyageurs empruntèrent le train  jaune. L'année suivante, plus de 100.000 et actuellement 400.000. Le tourisme devient la première manne de la région. Les sports d'hiver se développent. Les touristes profitent des bains chauds dans les sources sulfureuses de Llo, de Dorres , de Saint Thomas. Le train circule tous les jours de l'année. En hiver, grâce à son étrave frontale qui chasse la neige, la SNCF assure les 3 relations quotidiennes. En été les passagers peuvent admirer la vallée et les canyons dans des wagons à ciel ouvert. C'est le contrôleur- chef de train qui perçoit le prix du billet. Dans les haltes - petites gares, ne pas oublier de faire signe au conducteur pour qu'il fasse l'arrêt.

     

               Ce petit train permit à la Région une expansion économique importante grâce au développement du tourisme. Font Romeu construisit ''le vaisseau de granit'' qui n'est autre que le Grand Hôtel qui verra arriver des émirs, des princes et des rois.

     

                Une superbe randonnée appelée ''PR 14 - Randonnée avec le Train Jaune'' descend sur 11 km- 440m de dénivelé de la gare Mont Louis-La Cabanasse jusqu'à Fontpédrouse .On peut y voir des paysages magnifiques et des gorges impressionnantes. On passe sous le pont Gisclard avant de rejoindre les bains chauds de Saint Thomas. Le petit train jaune, toujours serviable vous remontera de Fontpédrouse vers Mont Louis en moins de 20 minutes.

     

                 Ainsi se termine cette odyssée du petit train de notre Région du Languedoc Roussillon où l'air, la lumière du soleil et l'enneigement des hautes montagnes sont exceptionnels.          JC d'Oc O1/2012

     


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