• Un coquin de curé

     

     

        
                                             Bourdalou de messe                   

     

    Alors ! Raconte ! N° 81                       

     

                                                             Un coquin de curé. 

     

            C’est dans la ville de Sète où se passe cette histoire vraie où un coquin de curé a fait jaser les bigotes. Le curé Marc Antoine Causse.

     

            Avant la révolution, les curés avaient le privilège de tenir l’Etat civil avec les remerciements de la population sauf par les anticléricaux qui bien sûr viscéralement  n’aimaient pas la calotte. Et l’on sait que sur le clocher de la mairie de la ville de Sète a flotté très longtemps le drapeau rouge du parti opposant. Mais, tous ces hommes d’église, dans le secret du confessionnal, malgré l’absolution des péchés, tenaient en respect la population car ils étaient les témoins privilégiés de leur vie de croyant.

     

            Baptêmes, communions, mariages, enterrements, tout, à grands coups de goupillons et de son de cloches rythmait la vie dans les chaumières de la naissance au dernier souffle. De plus la misère du petit peuple favorisait une croyance envers un paradis sur terre qui n’existait pas à Sète, aussi, le curé Marc Antoine Causse avait décidé de vivre son sacerdoce  qui ne fut pas comme un long fleuve tranquille car la chronique sétoise du 18ième siècle faisait de lui grand bruit dans la rubrique qui parle du sexe faible.

     

                 Notre curé Causse avait 50 ans en 1750. Il était bel homme et notre affaire fit grand bruit car ses rapports avec les femmes n’étaient pas étanches. L’évêque voyait d’un mauvais œil ses prêches et sa frivolité, mais il était un curé d’avant-garde car un jour ou l’autre, il faudra bien que l’église évolue et permette aux prêtres de se marier pour fonder une famille. Ce jour là, les canons bibliques tonneront.

     

                 Cinq ans avant notre histoire, le coquin de curé avait été mis à l’index par la justice. En septembre 1745, il avait été incarcéré au Fort Brescou pour cause de libertinage prononcé (voir FR n° 9) et ce n’est qu’un an après qu’il est libéré grâce à l’appui que son frère avait auprès de hauts dignitaires dans le royaume. Mais à Sète, plus le curé est beau, plus les bigotes l’aiment ! Après un stage dans un purgatoire du Morbihan le retour de ce curé banni provoque une grosse déferlante  d’allégresse en novembre 1747 (un mini tsunami dans le port de Sète). Le peuple allumait des feux de joie dans le quartier de la Marine. Ce curé savait parler à ses ouailles. Il trouvait les bons mots et les Sétois lui pardonnaient ses frasques et son goût prononcé pour le sexe féminin. Enfin, il ne pouvait faire que du bien chez les petites veuves et il leur conseillait de faire souvent l’amour pour conserver une bonne santé. De plus, faire l’amour avec un prêtre était une bénédiction divine. Plus besoin de passer par le confessionnal car son goupillon était toujours à portée de sa main pour donner l’absolution.

     

                 Après la messe du dimanche, il regagnait sa table au café sur le port où il devisait gaiment  avec les clients avant d’aller au restaurant déguster une délicieuse dorade que lui offrait le patron. Notre curé avait complètement conquis le cœur des sétois. Avant les vêpres, il bénissait les bateaux et la pêche n’en était que meilleure. Cet homme du peuple travaillait le fer sur le terrain de boules. Enfin, il apportait joie et bonheur à qui s’en approchait. Mais il était trop populaire dans la ville et les anticléricaux ainsi que l’évêque d’Agde souhaitaient vite son départ. Et un jour !!!!  Notre chaud lapin connait une amourette avec une très belle fille d’un marin sétois. Elle vient de se déclarer enceinte des bonnes œuvres du curé. Abomination !! crient les anticléricaux. L’évêque furibard envoie un inquisiteur enquêter qui par mauvais choix débarque à Sète le 25 Août, le jour de la Saint Louis en pleines réjouissances. Tous les témoins étaient rassemblés le long du grand Canal où se déroulaient les populaires joutes sétoises. Chauffé à blanc par l’évêque, l’inquisiteur revint quelques jours plus tard et menacé de lynchage par la foule repartit aussitôt.

     

               Pendant ce temps, notre coquin bénéficiait des gens du peuple et des bourgeois de plus en plus de considération. Dans l’église se pressait un monde fou le dimanche lors de la messe. Il fallait presque réserver son prie-Dieu. De plus, pour ne pas perdre leurs places, les bigotes les plus assidues prises d’un besoin pressant urinaient dans une pissadou de messe (un bourdalou) qu’elles avaient au préalable amené dans leurs sacs à main. Elles ne perdaient pas une parole des sermons qui relataient plutôt la beauté de la nature humaine que les recommandations de Dieu.

     

                Ainsi, durant plus de trois ans, ce spectacle religieux dominical rassemblait toute une population de croyants. Notre riton changeait souvent de servantes qui devenaient de plus en plus jeunes et belles. Mais un jour, lassé par les attaques perpétuelles des évêques d’Agde et de Montpellier, notre curé posa sa soutane et partit je ne sais où avec la mère de son enfant. On n’entendit plus parler de lui. Un nouveau curé prit sa paroisse mais par sa grande rigueur religieuse, l’église resta vide car ses sermons rasoirs ennuyaient les fidèles.

     

                  Finalement, ce précurseur visionnaire à quarante ans de la révolution française, ce berger des âmes, ce professionnel du secret et de l'invisible, était à l’image de la société, permissivité qui manquait beaucoup à cette époque là.

     

                  Deprefundis,  Morpionibus !

     

    JC d’Oc.

     


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