• La voie Domitienne et les bornes milliaires


     

     

         

     

                             

     

    Alors ! Raconte ! N° 82

     

     

     

     

                                       La voie Domitienne et les bornes milliaires.

     

     

     

              Dans notre région, cette voie romaine court sur 9 kilomètres  dans le parc naturel de Nissan lez Ensérune et Colombiers. Elle développe,  entre Narbonne et Béziers un tracé rectiligne avec un léger angle lors de son passage sur le viaduc de Ponserme situé dans l’étang même  de Capestang.  Ponserme vient du latin ‘’Pons Septimus’’ au 7ième mille (mesure de la 7ième milliaire, borne romaine. Un mille romain représentait 1480 m. donc Pons Septimus se situe à environ 10km500 de la borne précédente). Cette voie établie par les Romains avait un but stratégique, politique et commercial. Longue de près de 250 kilomètres depuis son passage dans le Rhône jusqu’à la frontière des Pyrénées, elle a été à certains endroits dans notre Septimanie détruite lors du creusement du Canal du Midi et de la construction des routes.

     

                 Un peu d’histoire, car ce peuple romain mérite beaucoup d’attention. La ville de Rome communiquait avec le reste de l’Europe par un réseau  en étoile de 29 routes d’où le dicton ‘’ tous les chemins mènent à Rome !’’ Toutes les contrées qu’ils ont envahies ont rapidement été équipées de voies pavées. Tout çà dans un but stratégique qui dura près de quatre cent ans car les légions romaines devaient se déplacer rapidement et sans le réseau des voies, ils n’auraient pu assurer leur supériorité technique. Ce qui nous intéresse, c’est la Via Domitia qui part de Montgenèvre, qui passait à Briançon, Gap, Sisteron, Apt, Cavaillon, Tarascon, Beaucaire, Nîmes, Montpellier, Mèze, St Thibéry( qui s’appelait Cessero) Béziers(Baetiris),  Colombiers, Poilhes, Ensérune, Capestang , Narbonne, Port-Vendres et passait vers l’Espagne par Le Perthus. Crée en 118 av JC à l’instigation du Général romain Cnes Domitius Ahenobarbus  dont elle portera le nom. C’est la route la plus ancienne de France.

     

                   Les voies romaines avaient des fossés latéraux utilisés pour l’écoulement des eaux de pluie et le revêtement de la route était légèrement bombé. La route classique avait une largeur utilisable de 4,5Om à 7m ce qui permettait le croisement de deux chariots. Les routes avaient des trottoirs qui étaient réservés aux piétons et aux animaux. Les Romains étaient d’excellents constructeurs mais ils étaient de piètres inventeurs. Ils ont beaucoup utilisé les chars à deux roues(les quadriges) pour transporter les petites charges, mais pour les charges les plus importantes, ils utilisaient des chars à deux essieux. Ces essieux étant fixes, le char ne pouvait être guidé et l’on pense qu’aux endroits où se situent des ornières, celles-ci servaient pour le guidage des roues. L’écartement des ornières sur voie classique est de 1,44m soit 5pieds. On peut faire une remarque – l’écartement des rails du chemin de fer en France est de 1,435m – Pourquoi une telle similitude ?

     

                    L’usure des grandes dalles en calcaire bleu et dur et les nombreuses couches de recharges témoignent de l’usage intensif qui a été fait de la chaussée et de la durée de son utilisation. Une particularité, la Voie n’était dallée que dans la traversée des villes et dans les montées. Une particularité peu commune, il a été découvert que les pierres utilisées étaient enterrées sur le champs verticalement, ce qui permettait une meilleure prise par les sabots des bœufs qui tiraient les lourds fardeaux. Des relais étaient situés tous les dix kilomètres que les romains appelaient des ‘’mutationes’’ et tous les quarante – cinquante kilomètres, il y avait des gîtes étapes appelés ‘’mansiones’’ souvent peints en rouge comme en Italie avec couverts et lits, services de maréchaux ferrants pour les chevaux. Mais ces tavernes avaient souvent mauvaise réputation et les voyageurs préféraient camper à proximité ou bien demander l’hospitalité. Avec l’expansion économique de cette artère, les gîtes devinrent  plus tard les agglomérations actuelles. La Via Domitia a été appelée pendant très longtemps  ‘’ cami de la mounéda’’, chemin sur lequel les fonds du Trésor public étaient transportés.

     

                      La Via Domitia était jalonnée de bornes milliaires de formes cylindriques ou parallélépipédiques qui pouvaient atteindre 3m de hauteur. La plus ancienne a été retrouvée en 1949 à 30 km au sud de Narbonne qui s’appelait Narbo Martius. Elle porte les inscriptions latines de la Gaule, le nom de l’empereur ayant ordonné la construction de la Voie, le nom de son rénovateur et la distance la reliant à l’étape suivante. Les distances sont exprimées en mille romains – MILIA PASSUUM correspond  à mille pas (en réalité c’était des doubles pas d’ 1,48m soit 1480 mètres). Cette borne est actuellement exposée au Musée Archéologique de la ville de Narbonne.

     

                      Selon les empereurs qui se sont succédé à Rome, les bornes milliaires ont changé de formes. Les milliaires d’Auguste et de Claude sont toutes cylindriques sur toute leur hauteur, celles de Tibère sont quadrangulaires  et celles d’Antonin sont comme celles de Claude et d’Auguste cylindriques  mais ont une base carrée qui autrefois était enfoncée dans le sol. Elles ne sont pas placées à intervalles réguliers comme nos bornes routières mais correspondent plutôt à des panneaux indicateurs indiquant la distance jusqu’à la prochaine étape.

     

                      De nombreuses bornes ont été perdues, détruites ou enfouies dans le limon des rivières. Dès les premiers siècles chrétiens qui ont suivi la romanité, les milliaires ont servi pour la construction des églises, pour l’implantation des croix de carrefours et la réalisation des tombeaux, de bénitiers, de fontaines et même de rouleaux de jardins. Peu de bornes subsistent, elles ont enrichi des collections privées. Les antiquaires se les ont disputés. Sur un effectif de 550 bornes des Gaules (Gaule Transalpine, Romaine et Chevelue), on en connaît qu’une dizaine au début du 19ième siècle – siècle appelé siècle des antiquaires.  A Narbonne on peut voir les pavés de la Voie Domitienne enfouis à une profondeur d’1,5Om du sol. Cette mise à jour  en 1997, lors de l’aménagement piétonnier de la Place de l’Hôtel de Ville permet de considérer les 1,50m de poussière  couvrant 1940 années d’histoire.

     

                         Mais cette superbe voie romaine  à la fin du troisième siècle a provoqué aussi la chute de l’empire romain dans notre région. En effet, elle permit à d’autres envahisseurs venant de l’Est – Ostrogoths, les Huns et les Visigoths – d’utiliser et de bénéficier pleinement de ce réseau routier.

     

                          Maintenant, lorsque vous lirez sur la A9  le panneau ‘’ Vous longez la Voie Domitienne’’ dans votre superbe voiture roulant à 135 km/h pensez que les Romains, à quelques pas de là, ne parcouraient que 50 Km par jour mais ils n’avaient pas le désagrément de faire le plein de leur réservoir à 1 euro 35 le litre tous les 500 kilomètres.

     

    JC d’Oc. (10/2011)

     


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