• L'élection du maire de Caussiniojouls

     

     

     

     

    Alors! Raconte! N° 108

     

                          L'élection du maire de Caussiniojouls

             Ce petit village de 122 habitants est situé entre Faugères, Cabrerolles et Laurens. Sur son territoire y poussent des chênes verts, de la garrigue, des châtaigniers, des oliviers , des cerisiers, mais c'est la viticulture dont les vins d'appellation d'origine de Faugères qui assurent le principal revenu aux Cassiniojoulais. Cette localité au nom bien difficile à prononcer est adossée à la montagne et du haut de son château médiéval on peut y admirer un panorama exceptionnel sur la plaine de Béziers. On y voit la mer qui miroite au loin et les neiges qui coiffent le chapeau du Canigou. Ce beau village possède des ruelles étroites en calades ( rue de la Calade -Chemin de la Marbrière aux noms évocateurs), des portes de maisons millésimées, des jardins abondamment fleuris et en quelques pas, après avoir franchi quelques porches on découvre le château médiéval. Le donjon du château qui vient d'être fraîchement restauré domine à plus de 100 m l'église du village. Cette fois ci la tour surplombe le clocher de l'église. Par la porte Est vous entrez près d'un chemin de ronde flanqué de deux tours carrées.

            Mais quelle est l'origine du nom imprononçable  de ce village. Sa datation remonterait vers 1787 et son étymologie proviendrait de causse = caloc= calvaire; de niou= nuage et de jouls = ruisseau en celtique. En bref, poétiquement c'est la terre d'où s'élèvent des nuages.

             Revenons à l'objet qu'est cette élection à problèmes du personnage central de la vie communautaire. Après les rivalités entre ''papistes'' et protestants en 1790, la Convention, par décret du 20 septembre 1792 donne autorité au Procureur de la République de faire désigner le maire qui tiendra l'état civil, qui délivrera des actes, qui mariera, qui recensera les conscrits pour faire le service civil et militaire. A Caussiniojouls, au printemps 1890, une vraie lubie municipale courut dans le village. Chaque famille voulut se targuer de compter un ou deux maires dans son arbre généalogique. Devenir maire, dès leurs premiers poils au menton, tous les Coussinioujoulais en rêvaient en se regardant dans la glace tous les matins. Les barbus auraient-ils  plus de chance que les autres d'être retenus? Il fallait un procédé politiquement plus démocratique. Peut être qu'une élection désignerait parmi les prétendants le candidat. L' instituteur du village, en se croisant les mains susurra avec un grand sourire : " J'ai peut-être une idée… ". Il fit le tour de Caussiniojoul, frappa à toutes les portes et recensa tous les prétendants à la charge suprème.

          Dès le lendemain, le garde champêtre, moustaches au garde-à-vous, à grand renfort de roulement de tambour annonça:

     " Pour obtenir l'écharpe tricolore, les candidats se réuniront ce prochain dimanche vers 10 heures dans la cour du château. Après s'être formés en ligne, ils baisseront la tête et mettront leur cul à l'air. Leurs femmes seront à cinq pas en arrière, le premier qui sera reconnu par son épouse sera l'heureux élu --- Qu'on se le dise ! " Roulement de tambour….

           Ce dimanche là, il y avait foule dans la cour du château. A 10 heures moins dix, l'instituteur, chapeau melon et bottes de cuir consulta sa montre, fit reculer l'assemblée de deux pas et avec un vieux cep de vigne traça une longue ligne droite dans le gravier.  A 10 heures précises, le garde champêtre alla ouvrir la grille du château et un groupe de neuf hommes, d'un pas décidé, prêts à en débattre, tous, plus fous les uns que les autres, s'alignèrent et baissèrent leurs pantalons. Leurs neuf épouses prirent place à leur tour, cinq pas derrière. L'élection commençait. Les braves citoyennes, n' avaient jamais vu autant de fesses, elles étaient figées, les yeux écarquillés et prenaient leur temps. Les neuf fessiers se ressemblant comme des frères, les épouses hochaient la tête, incapables de se décider.

             Sentant l'affaire mal tourner, l'instituteur fit approcher les neuf épouses d'un pas. Les curieux du village murmuraient d'impatience. Les candidats restaient stoïques tandis que leurs femmes scrutaient, évaluaient, jaugeaient les belles lunes ridées, dodues, poilues. Chacune tentait d'y reconnaître un grain de beauté, une cicatrice, un air de famille, mais elles restaient toujours aussi hésitantes.

            Soudain, la femme de l'un d'eux, l'index pointé vers la paire de fesses sales de son époux, d'une petite voix prononça cette phrase historique:

               " Es acquel! l'ou counaïssé, a mangeat dé fannos d'épinard esse tardé !"

              ''Je le reconnais bien, c'est lui , on a mangé des épinards hier soir! " 

            Caussiniojouls acclama comme un seul homme son nouveau maire. Ce bon magistrat dura plus longtemps que ses prédécesseurs.

     Comme le souligna, plus tard l'instituteur:

               " Il fallait vraiment posséder des aptitudes étonnantes pour être reconnu à la figure qu'on porte en bas du dos ! "

    JC d'Oc 01/2013.

     


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