• La guerre 1914-1918 en Biterrois

     

     

     

     

     

     

                                             

    Alors! Raconte! N° 144

     

                        La  guerre 1914-1918 en Biterrois

         Le soulèvement des vignerons de 1907 avait déjà donné à la ville de Béziers une mauvaise réputation mais c'est le 28 juin 1914, avec l'assassinat de François Ferdinand l'archiduc héritier d'Autriche Hongrie à Sarajevo que l'Europe s'enflamma. Le 1er août l'Allemagne déclara la guerre à la Russie puis le 3 août à la France. Par la violation de la Belgique, l'Angleterre entra en guerre le 4 août aux cotés de ses alliés.

          Dans ce conflit, les militaires souffrirent mais les civils aussi. A Béziers, lors de la mobilisation des hommes le 2 août, le tocsin et les cloches retentirent et une population importante convergea vers les Allées Paul Riquet avec calme, dignité et sang-froid. Le soir, tout redevint calme et les gens rentrèrent au domicile conjugal mais ils eurent conscience de basculer de la paix dans la guerre.  Béziers fut un centre de recrutement car c'était le centre de garnison du 96è Régiment d'infanterie  et du 1er Hussard (ex caserne Du Guesclin et caserne St Jacques). Au silence qui suivit la mobilisation, succéda le vacarme des départs devant la gare où les adieux des épouses, les dernières recommandations des mères furent un moment très touchant.

           Dans les villages la mobilisation s'opéra par vagues. La classe1914, la plus jeune fut appelée par anticipation puis suivirent les classes de 1896 à 1913 et la France mit sous les drapeaux 2 200 000 hommes de réserve et 1 540 000 hommes de l'armée territoriale. A chaque appel, une importante majorité des réformés et d'ajournés furent déclarés bons pour le service. Les devancements d'appel et les engagements volontaires eurent le choix de l'arme dans laquelle ils voulaient servir. C'est ainsi que Léonce  Antonnuccio, jeune sérignanais de 17 ans  devança l'appel dans la marine en 1917.  A Béziers on compta 878 engagements volontaires. Même le maire de Béziers A. Signoret fut mobilisé le 2 août 1914. Les vicaires de la cathédrale offrirent leurs soins aux blessés sur le front. D'août 1914 à mai 1915, 7500 enfants de Béziers avaient été mobilisés.

          Dès le premier jour de guerre, les mairies recensèrent les besoins et les réquisitions du matériel et des animaux débutèrent. Les produits les plus utiles étaient le blé, les pommes de terre, le bois, le fer, les vélos,  les chevaux, les mulets et les voitures automobiles. Au fil du conflit, les besoins des armées augmentèrent et les réquisitions furent de plus en plus importantes. En 1917, dans le Biterrois où il manquait depuis longtemps de la farine il fut décrétée la réquisition de la totalité des récoltes de blé et de seigle. Les biterrois mangèrent du "pain noir" fait avec de la farine et du son. Il fut prélevé en 1915  36000 hl de vin sur la commune de Béziers soit le quart de la récolte. Le personnel de police avait le droit de faire des perquisitions de jour et de nuit dans le domicile des citoyens. Il prit toutes les armes et leurs munitions. Les affichages et les réunions furent interdits. L'état de siège décrété par l'autorité militaire et le maire Pierre Verdier, le 5 août 1914, fit interdire la circulation sur les routes de 18h à 6h. Des sauf-conduits furent délivrés et les postes d'octroi situés aux entrées de Béziers firent des contrôles rigoureux. La censure de l'information eut lieu sur tous les faits de guerre. Les lettres envoyées aux poilus furent lues. La vérité sur la conduite des opérations militaires fut masquée. Seules les nouvelles officielles furent affichées sur des panneaux de bois qui portaient l'entête " Dépêches officielles". Dès août 1914, l'affluence devant ces placards provoqua des attroupements  aux heures des parutions. La censure fut telle que le 28 septembre, alors que se déroulait la bataille de la Somme, le communiqué affichait "Rien de nouveau dans la situation générale, calme relatif sur une partie du front". Il fallait donner le moral aux civils,  maintenir l'ordre et ne pas entacher les militaires. Il s'en suivit un bourrage de crâne des civils en ventant la supériorité française, la bassesse et la cruauté allemande, l'excellence des soldats français et la puissance de nos alliés. Dans la ville de Béziers, la chasse aux espions allemands fut ordonnée et un pauvre cheminot alsacien dont son nom de consonance germanique fut arrêté et sur le trajet lors de son arrestation, la foule proféra des injures à son encontre. Il s'avéra que le pauvre homme avait ses deux fils sur le front, qu'il était français et qu'il n'était nullement un espion.

            Mais sur le front que se passait-il ? Le vécu des soldats en premières lignes, dans les tranchées boueuses, dans le froid et la mitraille lors des attaques des positions allemandes dont les plus sanglantes, dans des corps à corps, à coup de baïonnettes était caché et il était difficile aux civils d'imaginer une telle violence. L'état de siège avait déjà séparé les français entre eux. Il y avait le Front et l'Arrière, les militaires et les civils. Le jeunot de Béziers qui était monté dans le train était devenu "un poilu" et ceux qui restaient  des "non militaires". Sur le front, par le brassage de la population, un nouveau vocabulaire apparut, les chaussures devinrent des "grolles, des godasses", la nourriture "la boustifaille" les baisers envoyés "les bécots". Enfin, ces mots entrèrent dans le langage courant et furent récupérés par les civils.

             A Béziers, il n'y eut de combats mais la ville n'échappa à la mobilisation. Elle participa à l'effort de guerre et les civils firent preuve d'un grand élan de solidarité et de générosité envers les poilus. Pour la première fois, c'était l'Union sacrée chez les Biterrois. Dans la souffrance, toutes les haines furent oubliées. Dès le mois d'août 1914 des aides se mirent en place pour les plus démunis mais surtout pour soutenir le moral des soldats. Des bons d'alimentation (pain, viande) par le Bureau de Bienfaisance furent distribués aux familles les plus nécessiteuses dont le chef était sous les drapeaux. La population française fut invitée à donner son or,  son argent puis un emprunt fut lancé pour financer la guerre. Les quatre emprunts rapportèrent 76 milliards de francs. Mais cela n'était pas suffisant au niveau local. Les hôpitaux de Béziers étaient remplis de blessés. Le maire de Béziers, dès le 20 août 1914 lança un appel de dons matériels de première nécessité. La salle de mariage de la mairie reçut des lits, des draps et des couvertures. Malgré les réquisitions déjà très importantes, les viticulteurs de la région biterroise offrirent généreusement leur vin à l'œuvre du " Vin aux soldats". Cette dernière reçut début 1915 38400hl de vin. La solidarité et la générosité des gens du Midi ne suffisaient pas.

           La légende noire des soldats du Midi  dont certains avaient mis crosse en l'air lors du soulèvement viticole de 1907 a couté cher à nos soldats méridionaux. Plus de 10 000 de nos soldats du Midi tombèrent sur le champ de bataille durant la journée do 20 août 1914. Joffre s'en prit aux méridionaux qui n'ont pas tenu sous le feu et qui ont été la cause de l'échec de l'offensive. L'idée que nos soldats ne sont pas fiables et sont même des traîtres en puissance va se développer. Un examen pointilleux de ceux que l'on soupçonne comme ayant commis des actes d'automutilation va s'exercer et le 18 septembre 1914 six accusés du Midi passent en cour martiale et sont fusillés sur la seule foi d'un certificat médical.   La guerre est vraiment injuste.

     

    Suite au n° 145     JC d'Oc   02/2015


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