• La pêche aux grenouilles.

     

    Alors! Raconte! N°134

                                           La pêche aux grenouilles.

     

             Le temps est aboli, les années ont passé, d’un bond en arrière, reprenons le fil des jours, passons quelques moments  avec notre insouciante jeunesse et, par le miracle de l’imagination, redevenons les témoins du drame, car c’est d'un drame que je vais vous raconter.

            Les plaisirs durant l'après guerre de 1940 n'étaient pas très réjouissants car la principale occupation consistait à trouver les moyens de survie pour notre existence. Les fusils avaient étaient réquisitionnés par le maire du village  et ceux qui avaient eu la chance d'en conserver un n'avaient pas de cartouches pour tirer les lapins et perdreaux qui durant cette période avaient proliféré en masse dans la campagne et c'est grâce au braconnage que nous pouvions manger du gibier. Mais pour nous, petits gamins en culottes courtes et en galoches, la faim nous tiraillait le ventre et malgré les recommandations de nos parents, nous allions à la pêche aux grenouilles, seul luxe peu lucratif que nous pouvions nous offrir. Les villageois faisaient pousser carottes, choux, pommes de terre et salades dans de petits jardins familiaux  et pour trouver l'eau nécessaire pour les arrosages, ils avaient creusé dans le sol, dans la roche même de petites marres dans lesquelles poussaient roseaux et nénuphars  et qui abritaient toute une faune de grenouilles vertes. Ces marres possédaient des drainages qui permettaient lors des pluies de printemps de récupérer un peu d'eau de ruissellement. C'était notre terrain de pêche.

            Equipés de cannes à pêche rudimentaires faites d'un roseau auquel était accroché un bout de ficelle.  A celle-ci était noué un bout de fil à coudre auquel était attaché une sauterelle vivante. Des sauterelles, il n'en manquait pas car elles sautaient dans l'herbe tout autour de la marre. Voilà le drame qui se précise. Loin de là, ce n'était pas la corrida. Il fallait que le soleil darde ses rayons sur l'eau car les batraciens aiment s'exposer à la chaleur sur les berges. Avec mille précautions et surtout sans faire de bruit, nous nous approchions en rampant dans l'herbe vers la marre. et commencions à exciter les grenouilles en leur présentant sous leur nez la friandise de notre canne. Pas plus bête qu'une "granhota gloutonne *" pour happer tout ce qui bouge. Parfois deux grenouilles se disputaient l'appât et la plus bête se faisait prendre. Ces batraciens voraces avalaient d'une bouchée la sauterelle et il suffisait que de tirer la gaule pour sortir notre trophée de l'eau. Rapidement on l'attrapait avec un chiffon car elle glissait comme une savonnette. Maintenant, ne voulant pas de reproches de la SPG (Sauvegarde Protectrice des Grenouilles) la suite n'est pas à dire. Le drame était d'entendre le cri de ce don de Dieu lorsque l'animal  gigotait au bout de la canne.

             Maintenant on mange des cuisses de grenouilles qui de trop avoir sauté sautent maintenant dans la poêle  avec une persillade mais aussi frites en beignets. Bernard Loiseau en a fait un plat très apprécié dans son restaurant à Saulieu. Il est vrai que ces batraciens foisonnent dans les Dombes bourguignonnes. Mais si les Espagnols et le Allemands raffolent de plats faits de cuisses de grenouilles, on n'en fera pas manger à nos voisins Anglais. Ils affublent bien les frenchies du surnom de "mangeurs de grenouilles" les flogs eaters. Enfin, il ne faut pas s'indigner avec les lunettes d'aujourd'hui en voyant  les cuisses de grenouilles congelées qui proviennent d'Indonésie ou du Brésil  et savoir où et comment sont-elles pêchées, ni l'hécatombe de grenouilles écrasées sur les routes au moment du frai.

               Enfin n'est-il pas beau d'écouter dès le printemps les anoures des grenouilles, ces cris joyeux au moment des accouplements.  grouah!  grouah!  thichi!  tchichi! Quel beau concerto nocturne! Ce sont les mâles en quête d'amour qui font ce bruit strident et court pour délimiter leur territoire.

                En Martinique, bien que les gens sédentaires ne les entendent pas ( par habitude) les hylidés, ces petites rainettes de 5cm empêchent les touristes de dormir. Elles vivent dans les arbres à l'humidité et sont infatigables durant toute la nuit. De nombreuses fois, on en retrouve même dans les maisons où elles chassent les moustiques. Alors pourquoi chasser ces artistes. Elles ne font de mal à personne !

    JC d'Oc 04/2014.

     

     

     

     


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