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Le château de la Comtesse devenue reine des Austrasiens
Alors! Raconte! N° 197
Le château de la Comtesse devenue reine des Austrasiens.
Le Castellas de Cabrières
Notre dernière randonnée nous a amenés sur une crête. Partis du village de Cabrières, le sentier serpente entre les vignes et grimpe vers une falaise escarpée de la Cisterne sur laquelle un ancien château fort quasiment disparu de nos jours protégeait les gens du village à ses pieds. Au VIè siècle le Castellas de Cabrières dominait la plaine et avait un point de vue plongeant sur les terrasses de l'Estabel. Aujourd'hui, point de fortification, point de village, il ne reste que des amas de pierres dans lesquels les randonneurs ont laissé les traces de leurs passages.
Et pourtant, plongeons-nous vers le VIe siècle pour découvrir l'histoire de ces pierres, celle de la vie et des restes de cette forteresse féodale qui remontent au Royaume des Wisigoths (418 à 711). Elle est citée par Grégoire de Tours en vieux français dans "l'Histoire des Francs".
Au 6 e siècle le village de Cabrières entourait son château fort édifié sur l'actuel site escarpé de la Cisterne. Grégoire de Tours rapporte qu'en 553, le prince franc Théodebert, descendant de Rodez après avoir pris Lodève entra dans le Biterrois et enleva tout le butin du château de Diou (bases de l'édifice actuel de Dio et Valquières). Il envoya des messagers chargés de dire au châtelain de Cabrières que, s'il ne se soumettait pas, il brûlerait le château et prendrait ses habitants en captivité. La châtelaine Deuthéria, par peur et compassion répondit au prince:
"Personne , ô très pieux seigneur! ne peut te résister, nous te reconnaissons pour notre maître; viens et qu'il en soit ainsi qu'il te paraîtra agréable ".
Théodebert vint au château et trouva le pont-levis baissé et le portail grand ouvert. Dame Deuthéria, comtesse de Cabrières, lui remit la forteresse sans combattre pour éviter le pillage. La légende raconte que le maître des lieux le gouverneur wisigoth Flavius Walitza époux de la très belle Deuthéria était quelque peu pleutre , rustre et grossier. Rassemblant la trentaine d'hommes qui composaient la garnison du château, il avait lâchement fuit vers Béziers à l' approche du jeune et beau Théodebert à la tête de son armée de géants blonds descendant du Rouergue. La belle Deuthéria avait refusé de le suivre et était restée courageusement seule au château avec ses dames de compagnie.
En fait la comtesse de Cabrières accueillit les envahisseurs pacifiquement et très sensuellement. Voyant que les gens se soumettaient, Théodebert ne fit aucun mal. Elle avait préparé un festin et attendait les assaillants seule assise au centre de la table dressée en fer à cheval dans la grande salle du château. Plus belle qu'une impératrice, ses tresses brunes encadraient son beau visage illuminé par ses grands yeux de braise et le décolleté de sa robe de soie bleue découvrait sa poitrine parée de ses plus beaux bijoux. Tout lui donnait une majesté qui frappa de stupeur les guerriers. Le jeune prince Théodebert désarmé par tant de grâce et de courage, fut immédiatement séduit et ce fut le coup de foudre. On devine la suite, l'assiette ou la couette? Les deux furent au menu et elle lui donna un fils, Thibaut qui deviendra roi des Austrasiens. On dit que lorsqu'elle partit se faire couronner reine d'Austrasie dans la cathédrale de Metz, elle emporta avec elle des plants de vigne de Cabrières qui furent l'origine des meilleurs vins de Moselle.
Les amours ne durèrent qu'un temps. Toute reine qu'elle était, Théodebert lui fit des infidélités. Il se fiança à Wisigarde mais les Francs le blâmèrent unanimement parce qu'il avait abandonné son épouse. Irrité, il quitta Deutheria et épousa Wisigarde. Il ne la conserva pas longtemps, elle mourut et il en épousa une autre, mais ne reprit jamais Deutheria.
Après avoir admiré le beau point de vue sur la plaine et le village de Cabrières en contrebas, nos pas nous dirigèrent vers la citerne qui alimentait le château. La descente fut agréable avec une belle vue sur le pic de Vissous. Arrivés devant l'église Saint Etienne, un panneau nous apprit que le château a été détruit en 1585 et que les gens ont déserté le site de "La Cisterne" pour s'installer en contre bas au bord de la rivière la Boyne. Les religieux de Cassan auraient construit une première église en 1610 dont la tour actuelle serait le dernier des vestiges. Une nouvelle église aurait été construite en 1869.
Un vol d'oies cendrées dessinait un grand V au dessus de nos têtes. La suite est au fond du verre de l'excellent vin "l'Arbousier" que nous avons acheté à la cave de l'Estabel.
C'est ainsi que les caves de l'Estabel aiment raconter les histoires. Il est vrai que l'histoire, la géologie, tout le patrimoine viticole ont produit une belle bouteille étiquetée "Pioch Farrus" qui fait référence à la mine du même nom située sur le territoire de Cabrières. Le "Pioch Farrus " est l'un des plus vieux districts miniers en Europe. Dans les galeries, le minerais de cuivre y était déjà exploité vers 2900 avant J.-C.
Pour fêter cette excellente cuvée, résultat de l'assemblage de différents cépages de syrah, grenache et mourvèdre vendangés à la main tirons le bouchon de cette bouteille de vin rouge 2018 Languedoc Cabrières reconnaissable à son étiquette de couleur cuivre. A votre santé, cela fait du bien où cela passe !
JCdoc 03/2019
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Commentaires
Je viens de tomber sur votre blog et je suis enchantée de découvrir autant de belles histoires. je reviendrais. Belle fin de journée