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Peyriac de Mer - ses salines.
Alors! Raconte! N° 140
Peyriac de Mer - ses salines.
En ce début d'octobre, nos pas de marcheurs ont foulé le sentier qui entoure l' étang du Doul à Peyriac de Mer en empruntant un passage planchéié qui permet l'accès à la colline du Mour. Le village de Peyriac de Mer est situé sur les bords de l' étang de Bages où au XVIème siècle son économie était tournée essentiellement vers la pêche, la récolte du sel et bien plus tard vers la viticulture. Pour honorer la profession de vignerons la commune a fait ériger une superbe sculpture composée de socs de charrues, de brancards hissés vers le ciel comme des bras et de roues métalliques enchevêtrées . Cet ouvrage d'art signale l'entrée de la passerelle de bois au dessus des anciennes salines du village.
Pour éviter l'urbanisation sauvage du site, car du haut de la colline du Mour, la vue est exceptionnelle sur la mer, les étangs et sur l'île de Planasse située au milieu de l' étang de Bages, le Conservatoire du Littoral en 1981 a acheté les salines.
L'exploitation du sel débuta depuis la plus haute Antiquité. La Narbonnaise romaine payait ses légionnaires en sel d'ou le nom de salarium qui donna naissance au mot salaire.C'est vers le XVIème siècle que les salines connurent leur pleine puissance de production.
Mais honneur aux hommes qui durant plusieurs siècles ont ratissé le sel au râteau dans les marais-salants. Les sauniers portaient dans une banaste posée sur leur tête le sel pour être stocké en gerbes une dizaine de jours pour le laisser suer de ses eaux. Après un rapide nettoyage, le sel était ensuite entassé en "canelles" ( pyramides de sel) d' une hauteur de 4 à 6 mètres. Les sauniers recouvraient de tuiles les canelles, puis les expéditions à dos d' ânes s'effectuaient et après plusieurs semaines de marche remplissaient les entrepôts à Toulouse. Avant tout départ les meneurs d'ânes devaient faire enregistrer le poids de sel par un contrôleur situé dans une guérite encore présente de nos jours sur le bord de la saline. Le sel au Moyen Age avait une grande valeur. C'était le seul moyen de conserver les aliments. Il permettait le séchage des poissons, la conservation des aliments. Cet "or blanc" était soumis à l'impôt ( la gabelle). C'est ainsi qu'une contrebande s'organisa par des faux-sauniers.
En 1596, le roi Henri IV, pour arrêter ces trafics illicites qui appauvrissaient le trésor royal, condamna les salins du Languedoc à la submersion. Il s'en suivit une révolte des sauniers mais seuls les étangs de Sigean et de Peyriac furent épargnés de la peine. Les étangs de La Palme, de Gruissan et de Mandirac aux portes de Narbonne destinés à être submergés purent continuer sous certaines conditions. Les faux-sauniers arrêtés étaient marqués au fer rouge de la lettre G (gabelle). Ils pouvaient être envoyés aux galères en 1680. En 1703, les faux-sauniers constituaient plus du quart de l'effectif des galères.
Cela aboutit à la création de la "Compagnie des Salins " en 1599.
A compter du XVIIème siècle, les salins acheminèrent leur production par charrettes ou par bateaux dans de grandes barques appelées des "allèges" vers Narbonne dans des entrepôts. Mais pour passer dans les étangs de Bages- Sigean de faible profondeur il fallut des bateaux à fond plat appelés des "lizerons" pour remplacer les "allèges".
Moitié du XVIIème siècle, Colbert, le "commis " du roi Louis XIV oriente les destinations vers Perpignan car le Roussillon devint une province française en 1659.
Au XVIIIème siècle, le sel de Peyriac de Mer permet les salaisons des poissons à Sète. Le sel permet aussi la conservation de la charcuterie dans le Gévaudan en Lozère.
De nos jours le chlorure de sodium est une ressource quasi-inépuisable. Il se présente sous deux formes soit minérale appelé sel gemme ou halite utilisé pour le déneigement des routes en hiver ou sous forme de cristallisation le sel de mer. Le sel de mer a continué à être utilisé dans le domaine industriel voici quelques décennies, notamment pour la fabrique du savon, pour le tannage des peaux du Tarn, vers les mégisseries de Mazamet et de Castres et comme composé chimique des engrais industriels toulousains (ONIA- AZF), dans la fabrication des fibres et plastiques, dans l'adoucissement de l'eau courante.
Dans le domaine de l'industrie alimentaire, il est utilisé dans le traitement des fromages, des viandes, de la charcuterie ( salaisons des jambons de Lacaune), des poissons ( morues, anchois) et pour l'alimentation du bétail en Limousin.
Actuellement sur le site le Conservatoire du littoral a réhabilité un ancien bâtiment militaire en musée qui relate des différentes étapes de la production et du traitement du sel. Ce musée, véritable "Mémoires d'étangs" est situé en bordure de la saline. Ce poste abritait des "gabelous" ancêtres des douaniers qui contrôlaient la production du sel.
Ainsi se termina cette exploitation il y a près de quarante ans. Le vent, le soleil de notre région, à sa situation abritée par les dunes permirent durant des siècles au village de Peyriac de Mer de bénéficier d'une économie florissante. De nos jours, l'exploitation des marais salants s'est déplacée autour de Aigues Mortes, La Palme et Gruissan.
Nos flamants roses n'ont pas de souci à se faire. Beaucoup de places leur sont réservées et les étangs leur apportent encore beaucoup de nourriture.
Si vous apercevez le fantôme de Nicolas de Peyrac en compagnie d' Angélique Marquise des Anges. C'est une hallucination !!
Si vous voulez vous baigner dans la saline, aucune crainte de noyade car l'eau, trois fois plus salée que la Mer Morte porte à merveilles, par contre la baignade sera très salée.
JC d'Oc 10/2014
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