• Vivre en guerre en pays biterrois.


               
     

     Vivre en guerre en pays biterrois.

        Vivre en guerre en pays biterrois.    
     
     

     Alors! Raconte! N° 145

     

                                  Vivre en guerre en pays biterrois.

     

            Bien sûr, la vie sur le front n'était nullement comparable avec celle de l'Arrière. Dans le Midi, la fureur de l'artillerie et le bruit des canons, l'odeur des gaz et les corps en décomposition ne furent ni entendus ni ressentis par la population. Seuls, dans les hôpitaux, les blessés en provenance du front, les "gueules cassées" donnaient un aperçu de la dureté de cette guerre.Un ordre d' idée: Verdun - 162440 Français ont été tués sur le champs de bataille - quant aux blessés, s' il avait fallu les évacuer, il aurait fallu un convoi de civières long de 815 km. - 60 millions d' obus sont tombés en 300 jours soit une densité de 4 projectiles sur un mètre carré.

            Mais dans nos villages et à Béziers, l'absence des hommes se fit durement sentir surtout pour les travaux dans les vignes. Dans cette guerre qui commence à quelques semaines des vendanges, comme ailleurs, les femmes se sont mobilisées et ont assuré les travaux agricoles. Il n'était pas rare de voir trois femmes courageuses harnachées de chaines tirer la charrue pour labourer la terre car les chevaux avaient été réquisitionnés. Elles eurent besoins des conseils de leurs hommes et un échange de courrier prit forme pour gérer leurs affaires. La guerre a contribué à une évolution rapide des mœurs, à l'émancipation féminine mais aussi à une augmentation des divorces. Les hommes du front furent très préoccupés des conditions de vie de leurs femmes mais aussi très inquiets de la fidélité de leurs conjointes. Le quotidien devint difficile. Les produits de première nécessité se mirent à manquer.

     

                    Les prix du coton, du tabac, du charbon et des produits alimentaires augmentèrent. L'absence de pommes de terre a été durement ressentie en janvier 1917. Une inflation doubla les prix du vin, du sulfate de cuivre pour le traitement de la vigne. Les boulangers firent à partir du 6 mars 1917 une seule forme de pain en boule "le ceinturel" de 1kg et 1,5kg. Le pain augmenta de 4% avant-guerre à 77% en avril 1916 et 85% en juillet 1917. A partir de janvier 1918, une carte de pain fut instaurée pour chaque consommateur (200g/jour par personne), puis de nouvelles cartes pour le sucre et le charbon suivirent. L'Etat providence diminua ses secours. 17% de la population de Béziers demandèrent des allocations et les cas de fausses déclarations augmentèrent. Le marché noir fit son apparition et dans la vente de boissons, le mouillage fut fréquent surtout pour le lait, le vin et le vermouth. Enfin les Biterrois n'eurent pas faim mais ils se privèrent.

     

                Les informations sur les journaux donnaient toujours la même chose. Le "Petit Journal" se consacrait à 95% à la guerre pour informer. Les journalistes  ne savaient rien pendant plusieurs mois et il faudra attendre le 6 janvier 1915 pour qu'on puisse lire le terme "échec" sur la page Une et les premières descriptions des combats. Mais toujours de grands espaces blancs, des retraits par la censure.

     

                Pour le travail de la vigne, les Biterroises remplacèrent leur mari ou  fils mobilisé mais avec le départ des Jeunes Classes, le besoin de bras s'accrut. Les enfants de plus de 10 ans furent embauchés pour les vendanges. Les Alsaciens, Lorrains et Belges arrivés à Béziers dès le début des hostilités furent sollicités ainsi que des vendangeurs venus du Tarn, de l'Aveyron, de Lozère, de l'Ariège et du Lot louèrent leurs bras. Des viticulteurs Biterrois firent appel à de la main-d'œuvre espagnole. Tous ces travailleurs devaient être nourris, logés et payé 1,40 franc par jour plus les frais de transport. Des permissions agricoles - 152 en 1916 furent accordées à des militaires. Ce qui permit l'avancée des travaux. Et tous ces travailleurs mirent en culture la vigne et semèrent même des céréales avec les semences que l'Etat providence fournissait. L'Etat développa la mise en place d'allocations de secours pour les plus nécessiteux. Près de 10 000 demandes furent déposées ce qui représente 17% de la population de Béziers.

     

                A Béziers, il fallait affronter la mort. Sur le front la Mort survenait brutale, violente lors d'une attaque, dans un trou d'obus ou dans une tranchée. Le sacrifice des soldats Biterrois (27,39%)  fut supérieur à la moyenne de la France 20,50% la première année du conflit. 1914 et 1915 furent les années les plus meurtrières. Les Jeunes Classes 1911 à 1918 connurent le plus de pertes. Ce fut l'infanterie qui fut la plus touchée avec 1085 morts soit 85,47% du nombre total des décès. Le 96e RI qui était stationné aux casernes St Jacques compta 185 décès soit 14,5% des pertes. Le bilan est lourd soit un total de 1272 de morts sur le front et 200 dans les hôpitaux.

     

                Mais pour quelles raisons y a-t-il eu plus de morts en % à Béziers que dans les autres villes françaises ? Il ne faut pas oublier qu'en 1907, donc 7 ans auparavant, le 12 mai, le 17e Régiment d'infanterie stationné à Agde monte sur Béziers pour réprimer la révolte des vignerons. Les braves "piou-pious" sont tous de chez nous et refusent de tirer sur leurs frères. Les mutins campent sur le Allées Paul Riquet et posent pour la photo crosse en l'air. Pour cette raison les jeunes Biterrois lors de la mobilisation ont été envoyés et sacrifiés sur les lieux les plus vulnérables notamment en Lorraine ou il y eut 293 tués sur 759. Dès les premiers mois du conflit, Joffre s'en est pris aux Méridionaux prétextant qu'ils n'ont pas tenu sous le feu et qu'ils ont été la cause de l'échec de l'offensive puis il existait une forte rivalité entre Joffre et de Castelnau lors de la campagne de Champagne où ce dernier voulait replier son armée tandis que Joffre voulait une attaque à outrance. Enfin il ne faut pas oublier que de Castelnau était natif de  St Affrique et qu'il savait commander sans brusquer le Méridionaux.

     

       Stratégie !!

     

           Au début de la guerre, il y eut tant de morts qu'ils furent enterrés dans des fosses communes; c'était ainsi dans l'armée française. Lorsque les circonstances le permirent, les poilus décidèrent de les inhumer individuellement sous des croix de bois. Les cadavres  étaient relevés que lorsque  l'intensité des combats diminuait. Parfois les dépouilles restaient éparpillées plusieurs jours, voire plusieurs mois et les corps étaient méconnaissables. Les deux plaques d'identité du soldat qui pendaient à leur cou permettaient leur identification. Les dépouilles des simples soldats étaient placées en terre enroulées dans leur capote. Le cercueil était réservé seulement aux officiers. L'aumônier militaire administrait les derniers sacrements aux blessés. Dans une telle hécatombe, furent rares les familles épargnées par le deuil.  Le moment le plus redouté était l'annonce du décès dont le bulletin était porté en personne par le maire pour les petites communes ou par les services municipaux ou les gendarmes pour les villes. Mais il y avait aussi les portés disparus tel Jules Lhéritier originaire de Sérignan. N'ayant pas de nouvelles depuis le 5 novembre 1916, les parents, cousins et fiancée entreprirent des recherches en espérant qu'il était prisonnier, mais en vain. Ce n'est que quatre ans plus tard que le corps a été retrouvé et identifié par la plaque et les parents reçurent l'avis en juin 1921.

     

                  Dès 1915 les citations à l'ordre de l'armée étaient octroyées à tous les militaires morts ou vivants, que leur courage et leur dévouement au feu avaient rendu digne d'un tel insigne. Ces citations furent affichées par les mairies de l'Hérault sur ordre du préfet ainsi que les noms des militaires décorés de la Légion d'honneur ou de la médaille militaire. La croix de guerre fut instituée en avril 1915 et trois mois après la mention "Mort pour la France" sur avis militaire fut créée.

     

                   Enfin, quelques poilus eurent la chance de mourir chez eux, sur la terre qui les vit naitre, malheureusement quelques uns les poumons brûlés par l'ypérite, ce gaz de combat appelé aussi gaz moutarde. Non seulement il asphyxiait mais il brûlait aussi la peau et les muqueuses. Toute personne étant décédée pendant la guerre au service de la France eut droit à la reconnaissance posthume de l'Etat. A ce titre elle donna droit à la restitution des dépouilles et des affaires personnelles  des militaires morts au combat ou suites de leurs blessures aux familles, aux frais de l'Etat.

     

                 A Béziers, le 24 mars 1921, l'arrivée et l'inhumation des onze premiers corps firent l'objet d'obsèques solennelles qui marquèrent les esprits. Les cercueils partis de Creil le 21 mars arrivèrent à Montpellier qui les achemina par train vers Béziers. Une foule silencieuse attendait devant la gare et devant le parvis de la cathédrale St Nazaire. Les cercueils fleuris et drapés aux couleurs nationales, après une messe à la cathédrale furent suivis par un cortège de plus de 10 000 personnes vers les cimetières (neuf et vieux). Le maire P.Verdier prononça un long et émouvant discourt. Les autorités militaires rendirent un dernier hommage à tous les Biterrois morts pour la France.

     

                 Dans la majorité des villages la mairie a crée des concessions perpétuelles dans le carré militaire situé dans l'allée centrale. Le nombre total des " Morts pour la France " rendus aux familles héraultaises est autour de 25% avec des variations selon les communes.

     

                  A Sérignan, les familles eurent le choix d'inhumer leurs défunts enfants dans leurs caveaux familiaux ainsi 8 corps sur 42 furent inhumés près de leurs ancêtres. La municipalité, tout en son honneur, le 26 février 1924, une fois que tous les corps étaient  revenus décida de réaliser un majestueux tombeau collectif  situé près de l'allée centrale du nouveau cimetière non loin du monument aux morts.

     

                   A Cébazan, comme dans de nombreux villages de l'Hérault, le jour du 11 novembre, jour de l'armistice signé dans un wagon dans la forêt de Rothonde près de Compiègne, les enfants dont je faisais parti en présence des villageois appelaient un par un les 25 noms des soldats morts pour la France en 1914-1918 gravés sur le Monument aux Morts. Nous rendions ainsi fidèlement hommage à nos disparus.

     

                    La Belle Epoque d'avant la Grande Guerre n'était qu'un souvenir. La guerre de 14-18 transforma la société. La fin des hostilités ne mit pas fin aux difficultés. Des problèmes économiques, les reconstructions, le chômage furent le lien entre les deux guerres. La réintégration des poilus, des mutilés, des gueules cassées, de tous les traumatisés fut difficile. Les pacifistes, les Anciens Combattants dirent d'une même voix " PLUS JAMAIS CA". Ils pensaient aveuglément que cette guerre était la "der des ders", mais l'histoire en décida autrement. D'autres folies toucheront le monde entier et de 1914 à 1945 feront plus de 60 000 000 de victimes. Une arme nouvelle la bombe atomique, les 6 et 9 août 1945 fera 110 000 morts à Hiroshima et 80 000 morts à Nagasaki. Ainsi, ces quelques lignes souligneront avec véhémence le sens que prend la phrase du Maréchal Foch " Les peuples ne perdent la vie que lorsqu'ils perdent la mémoire". PLUS JAMAIS CA !

     

    JC d'Oc 02/2015

    Bibliographie: Des vignes aux tranchées de Béatrix Pau - mars 2014- Edition du Mont. Un livre remarquable que tous nos jeunes français devraient avoir lu.

    Blog généanet: retour sur les six premiers mois du quotidien des poilus.

    et bien d'autres.

     



     

     

     


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