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             Alors ! Raconte! N° 139

     

     VOS COMMENTAIRES SONT TOUJOURS APPRECIES

     

                                                          Les insolites cairns de Minerve.

     

                            Au hasard de nos ballades sur cette terre du Midi, on y trouve d'étranges silhouettes. Quelques unes de très belles, d'autres plus méchantes ou plutôt surprenantes. De mes histoires on peut en rire mais aussi, elles peuvent porter à réflexion. Le conte que je vais vous raconter est une invitation aux voyages et aux rêves , c'est aussi une porte ouverte vers une autre culture et il ne faut pas toujours tout prendre au sérieux.

                           En quelques enjambées, nous voici aux portes de Minerve, ce petit village de l'Hérault inscrit sur la liste des plus beaux villages de France où à ses pieds se marient les rivières la Cesse et le Brian. C'est dans cet environnement minéral tourmenté par l'eau qui a creusé dans le lit de la Cesse un canyon. C'est une longue histoire géologique où la rivière a creusé sous le causse deux tunnels naturels. L'eau ne coule dans le lit que l'hiver et venu l'été le cours est asséché et laisse sur sa surface de gros galets blancs ou gris.

                           Les visiteurs avides de nature arpentent les 200 m du premier pont et voient tout au fond la lueur d'entrée du soleil dans ce tunnel. C'est ici que, surprise, l'on découvre une multitude de petits entassements de galets qui rend l'endroit féérique. Ce lieu tourmenté, hanté par ces formes inertes plus ou moins hautes que l'ombre du soir rend plus insolite est incontournable dans la visite de cette cité cathare. Ces amoncellements de pierres de différentes couleurs sont érigés par des gens avec le souhait d'un retour en ce lieu, c'est aussi la signature de leur passage. Ames sensibles avec la motivation de créer une forme d'équilibre avec ces pierres. Chacun de nous, posons une grosse pierre puis une autre, puis une autre par dessus les autres et formons ainsi ce que l'on nomme un cairn ou un rock. Certains se hasardent à mettre deux bras et une tête, finalisant leur imagination. D'autres osent poser une petite pierre sur cet assemblage avec le risque de faire tout s'écrouler. On se croirait devant le site magnifique des soldats de pierre cuite de l'empereur Qin à Xi'An en Chine. Ils sont si nombreux et si près les uns des autres que leurs ombres les recouvrent le soir tombé.

                           Ces petits bonshommes, nom donné aux cathares, ces petites belles femmes dans leur robe minérale sont l'histoire de la pierre mais aussi l'histoire des hommes. C'est une découverte de soi-même, de la vie. Durant toute notre vie nous construisons, nous créons pierres après pierres notre existence , puis un jour, comme en hiver les eaux remonteront dans le lit de la rivière emportant les uns après les autres ces petits tas de cailloux, notre vie se terminera.

                           Mais, sans penser au futur ce qui reste de ces formes équilibrées , c'est la beauté de ces pierres de couleurs, c'est la forme dans l'espace, c'est le travail du vent et de l'eau. Ici, rien n'est jamais acquis, tout est précaire, ce que l'on ressent, c'est cette présence invisible, l'âme des choses, impalpable qui exhale de cette animation immatérielle le principe de toute vie. Nous sommes tous dans le temps des spectateurs mortels et tout est éphémère mais que pouvons nous y faire.

    Objets inanimés - Avez vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer. Lamartine.

    JC d'Oc 07/2014


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    Les mégalithes du domaine de Saint Michel de Grandmont.

    Les mégalithes du domaine de Saint Michel de Grandmont.

    Les mégalithes du domaine de Saint Michel de Grandmont.

     

            Alors! Raconte! N° 137

        dolmen de Coste Rouge   -    prieuré de St Michel de Grandmont.

     

                  Les mégalithes du domaine de Saint Michel de Grandmont.

             Vous qui aimez la France vous avez toujours un petit chemin à découvrir, une clairière, un petit hameau, une petite crique, quatre cailloux, un rien qui n'appartient qu'à vous. Sur les hauteurs des cantons du Lodévois, se niche le petit village de Soumont où les gens sont amoureux fous de leur montagne et surtout de leurs traditions. En ce lieu, hors des sentiers battus, naissent au couchant les étoiles et dès l'aube le Pantocrator inonde de ses premiers rayons de soleil  les toits pentus du village.

                Ce village est comme une auberge espagnole, les gens y sont les bienvenus. Les habitants, lorsqu'ils voient arriver avec leurs bâtons les pèlerins ou les randonneurs ouvrent grandes leurs fenêtres et veulent leur parler. Pourtant, peu de visiteurs osent grimper tout là haut près du ciel. Certes, les Jacquets y passent et s'isolent en quête de spiritualité. Il est vrai qu'aux confins de l'Hérault raisonnent d'un commun accord les dungchens tibétains, les moulins à prières de Lérab-Lib, les cloches de la basilique Saint Fulcran de Lodève, de l'abbaye bénédictine de Joncels et du prieuré Saint Michel de Grandmont. Cette région est-elle propice  au recueillement  et à la prière? Il semblerait que de nombreux édifices religieux en soit la conséquence.

               Partis de Soumont, d'un bon pas à l'ombre des chênes verts, des châtaigniers et des arbousiers, nous sommes descendus jusqu'au village du Bosc puis, après une petite halte restauratrice de nos "pattes molles" , allègrement sans faiblir nous sommes remontés vers le Prieuré de Grandmont.

              En bordure du domaine, nous avons jeté un œil sur le dolmen du belvédère. Ce mégalithe conservé intact est à couloir ouvert. Une croix gravée sur la pierre dressée à gauche (horthoste), atteste de sa christianisation.

                 Le domaine possède trois mégalithes dont le plus intéressant est celui de Coste-Rouge. C'est le mieux conservé de la Région. Il est constitué de cinq dalles  de grès formant la chambre funéraire placée au centre du tumulus disparu depuis plus de 3500 ans. L'ouverture "en porte de four" était précédée d'un couloir construit en pierres sèches, aménagé dans la masse du tumulus, et conduisant à la chambre funéraire . Il servait de sépulture collective. Sa table d'un poids estimé à 10 tonnes fut connue au moyen âge pour son don curatif des maladies de la peau. Après avoir ôté et brûlé les vêtements contaminés, deux moines hissaient et frottaient le malade sur la table du dolmen. Inutile d'aller à Balaruc les Bains. Enfin, cette thérapie a peut être évité la disparition du dolmen. Il est difficile d'imaginer, avec nos yeux d'aujourd'hui la construction  telle qu'elle s'est déroulée au temps du néolithique. Tout d'abord, les dalles de grès étaient équarries avec des maillets en pierre dure. Elles étaient ensuite roulées sur des rondins de bois et dressées à leurs positions à l'aide de cordes végétales. Puis un tertre artificiel a recouvert l'ensemble. Sur cette masse de terre qui constitue le tumulus, la table de couverture sera halée. Le déblaiement de toute cette terre donnera l'aspect actuel de l'édifice. Facile à dire mais à faire ???? Le dolmen de Coste Rouge a été surnommé "le cèpe" mais aussi plus poétiquement "l'Ostalet das Fadas (la maisonnette des fées)".

                      Ce dolmen a été classé monument historique en 1936.

    JC d'Oc 06/2014

     

     

     


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    Alors! Raconte! N° 136

     

     

                                      Le cirque de Navacelles et la résurgence de la Foux.

              En ce début des grosses chaleurs, nos pas de baladins , nous amenèrent sur le Causse de Blandas. Déjà lors de notre arrêt à la Baume Auriol, un splendide panorama grandiose et saisissant s'ouvrait à nos pieds par une vaste dépression circulaire de 285 mètres de profondeur, au fond de laquelle se niche le petit village de Navacelles. La beauté de ce nid d'oiseau réside dans l'abandon d'un méandre de la rivière qui entoure une colline centrale en forme de coquillage qui lui a donné son nom : " l'huître". Cette merveille géologique, au cœur des causses de Blandas et du Larzac nous offre un panorama exceptionnel de cette curiosité géographique. Non, ce n'est pas la conséquence d'un impact d'une météorite ni une île dans les profondeurs de verdures et de pierres.

             Il y a  20 000 ans la rivière Vis coulait dans le méandre aujourd'hui à sec. Petit à petit, au centre même du village, l'eau de la rivière, par ses apports de quartz, de schiste et de granite mais aussi par les fortes inondations passées a abandonné son ancien cours en érodant la roche au centre du village, faisant  chuter  aujourd'hui d'une douzaine de mètres la Vis en une très belle chute d'eau. Ce phénomène géologique daterait d'environ 6000 ans.

         Le village s'est construit de part et d'autre de la cascade vers le 10ème siècle prenant le nom de Nova Cella puis de Navacelles plus récemment. Les moines de l'abbaye de Gellone à St Guilhem le Désert réalisèrent un travail colossal en aménageant des cultures en terrasses sur cette terre très pentue.

          Le travail d'érosion de l'eau a creusé des cannelures  ainsi que des" marmites de géant" dans laquelle l'eau est limpide et fraiche.

          A l'Ouest le hameau de Rochebelle, bien abrité par la falaise  doit son nom à son exposition ensoleillée. Mais il est vrai qu'en hiver l'ombre des Causses environnants diminue les heures d'ensoleillement. Un joli pont du 18ème siècle en dos d'âne enjambe la Vis, rivière qui limite les département de l'Hérault sur sa rive droite et du département du Gard sur sa rive gauche. Entre deux ruelles, on grimpe vers l'église et le château. Tout en haut du hameau "le sentier du facteur" grimpe en zigzag sur le causse du Larzac vers la Baume Auriol.

          A l'Est, le hameau du Serre de la Clède  dont l'origine du nom "Clède" vient du nom occitan d'une barrière en bois qui permettait de cantonner le bétail à l'endroit le plus étroit du chemin . Tout au bas du village, se situe le cimetière dans lequel se dresse encore les ruines de la construction la plus ancienne du village , l'église Sainte Marie Navacelles.

          Après ce petit aperçu de ce village dont le pittoresque n'existe nullement ailleurs, nos pas de randonneurs nous ont dirigé le long de la rive droite de la Vis par un sentier où il fait bon marcher à l'ombre des chênes verts, des genévriers, des cèdres de l'Atlas et de tous les arbrisseaux qui poussent le long des berges. En moins d'une heure de marche, nous sommes arrivés  au fond de la gorge étroite du canyon sec et là, dans un grondement sourd, la résurgence de la Vis, après avoir parcouru les profondeurs du Causse  crache une forte quantité d'eau bouillonnante. La Vis est une étrange rivière. Née vers 1300 m d'altitude sur le versant sud du sommet de la montagne du Lingas, elle creuse une profonde vallée en V jusqu'au village d'Alzon. Au moulin de Larcy, la Vis et son affluent la Virenque disparaissent pour un long voyage secret dans les roches calcaires du Larzac du Sud. Après avoir parcouru 6 km en 29 jours, la Vis réapparait à la Foux avec un débit d'eau de 2,5 m3/seconde en période sèche et 30m3/seconde en période de crue. Mais vu son débit si important, on peut difficilement concevoir son tarissement et pourtant en 1876 le 9 avril, elle ne s'écoula plus durant 8 jours. En 1890, elle cessa brutalement de couler durant 24 heures - en 1922, durant 2 heures - en 1927 durant 8 heures et en 1961, le 10 août durant 6 heures. Mais à l'inverse, les crues dites "cévenoles" ont régulièrement causé de gros soucis aux meuniers de la Foux. La crue de l'automne 1870 fut si importante que les personnes qui se trouvaient à la Foux durent  se réfugier sur le toit du moulin. Elles furent secourues par M.Bataille , le meunier qui reçut pour cet acte de courage la médaille du sauvetage. L'inondation de 1907 ravagea les installations et provoqua la cessation de l'activité du site de la Foux. Mais puisque nous parlons meunier, il ne peut qu' y avoir des moulins  dans le lit de cette rivière.

                Dès le XIe siècle, après la grande peur de la fin du monde du nouvel millénaire, la croissance démographique fut sans pareille. L'économie dut s'adapter aux besoins de la population dont l'alimentation reposait essentiellement sur la consommation de pain. Un adulte avait besoin d'une ration d'1 kg par jour tandis que de nos jours, 300g de pain suffisent.

            Les familles nobles de Vissec donnèrent des biens aux ordres monastiques qui construisirent des moulins en échange d'indulgences. L'exploitation d'un moulin rapportait beaucoup d'argent car son propriétaire percevait la taxe dite la banalité sur chaque sac de blé apporté au moulin. Les paysans du Causse durent autoritairement , à dos de mulets acheminer les sacs de blé au moulin de la Foux le plus proche pour y produire de la farine et ainsi les moulins devinrent un maillon incontournable de la chaine alimentaire. Les deux moulins de la Foux furent construits pour être équipés de roues hydrauliques horizontales. Lors des guerres de religions qui opposaient les calvinistes aux catholiques, par représailles, le seigneur de Vissec (Vis sèche) fit raser les deux moulins de la Foux mais très rapidement, ils furent reconstruits. L'importante inondation de 1741 emporta l'un des moulins.

                L'eau qui surgit de la résurgence de la Vis  actionnait une "turbine en bois"  située face au conduit forcé de l'eau. Un axe entrainait une meule tournante horizontale à la vitesse de 90 à 100 tours/minute qui broyait le grain sur une roue en bois fixe d'un diamètre légèrement plus grand. La paire de meules produisait environ 30 kg de farine à l'heure.

        Enfin, de ce paysage où poussent les asphodèles, nous avons découvert une richesse extraordinaire de sa flore, de sa géologie, de son histoire. Ce havre de paix, authentique et naturel replace le visiteur devant ses origines et son passé. et laissera en nous l'impression d'être tout petit devant la grandeur de ce site mais aussi un très bon souvenir de cette balade.

    JC d'Oc 05/2014

     

     


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    Alors! Raconte! N° 135

                                        L'île Ste Lucie près de Port la Nouvelle

         Notre rando du 22 mars 2014

            En ces derniers après midis d'hiver nos pas de baladins nous ont dirigé vers l'Ile  Ste Lucie tout près de Port la Nouvelle où nous avons fait un petit plongeon dans l'histoire narbonnaise de cette île qui n'en est pas une depuis que la ligne du chemin de fer l'emprunte dans sa partie Ouest. Entre le ciel et l'eau, elle est bordée à l'Est par le canal de la Robine, ancien lit de l'Aude au temps de l'Antiquité romaine. En ce temps là, cette voie d'eau s'appelait l'Atax. Cette île servait de port d'encrage des bateaux de commerce et garantissait la sécurité de la voie d'eau jusqu'à Narbonne. Elle permettait la commercialisation du sel, du blé et du vin entre la mer et la Narbonnaise par des barques à fond plat. Au Moyen Age Narbonne était redevenu un centre commercial et un port très important avec près de 40.000 habitants. Vers 1330, c'est la catastrophe pour la ville car le fleuve Aude change brutalement de direction suite à de violentes inondations qui bouchent avec les limons le cours initial . Cela entraine au XVème siècle la décadence de Narbonne et les Consuls désespérés décident la construction d'un déversoir et de l'écluse du Grand Moussalans à 10 km en amont de Narbonne qui alimente le Canal de la Robine. L'architecte hydraulicien Vauban en 1686 réalise son aménagement mais son raccordement au Canal du Midi après un parcours de 32km  par le canal de jonction de Narbonne ne fut réalisé qu'en 1776. Les Consuls envisageaient que la Robine soit un débouché maritime grâce au Canal du Midi mais le grand canal royal entre deux mers partira vers l'étang de Thau et Sète et étouffera l'activité économique de Narbonne.

                Mais sur cette" île", réserve naturelle de 250 hectares on y accède en franchissant le passage de l'écluse qui nous amène dans une zone humide, puis par le chemin bordé de pierres rondes délimitant l'emplacement des anciennes "Vignes Longues" avec sa petite carrière d'où se dégage une légère odeur sulfureuse. La molasse marine de cette carrière permit l'édification du "château" de Gruissan (tour de Barberousse) et servit même de fondation à la cathédrale St Just de Narbonne. Puis nous nous dirigeons vers le parcours long de 7 km. A l'extrémité de l'île un petit bâtiment délabré par le temps servit de poste de douane sous Louis XVI pour surveiller le commerce du sel. On le nomme "la vigie" avec vue  imprenable sur le superbe panorama de l'étang de Bages - Sigean. Du haut du Roc Saint Antoine avec ses 36 mètres on a une belle perspective sur la Robine et sur un petit canal construit par le Romains. Panorama imprenable sur l'étang de l'Ayrolle avec vue sur l'île St Martin et même par temps clair sur Narbonne. On s'achemine ensuite vers une ancienne habitation que l'on appelle" la Cantine" car elle servait de réfectoire aux ouvriers des salines.

           La flore est constituée de genévriers cades, d'asphodèles, d'euphorbes, de thym, de cistes, de chênes verts, de pistachiers lantistes et de pins aux branches torturées par le vent. La faune rassemble des sangliers qui laissent de profondes fouilles, des chevreuils, quelques traces et autrefois il y avait des chevaux sauvages et un élevage de gibier.

           Notre chemin bifurque sur la gauche et sur la descente nous pouvons retracer la géologie de l'île par des traces de mollusques laissées sur la falaise lors du plissement de la chaine arquée languedocienne allant des Pyrénées à la Provence.  Par un sentier encombré de branchages nous entrons dans un grand domaine viticole en ruines qui fut jadis propriété des moines. Il a été exploité au 18è siècle par des viticulteurs mais n'a pas perduré au delà de l'épisode du phylloxéra. On peut y voir des pressoirs métalliques à vis, deux cuves en ciment et des supports de foudres. En hauteur, on peut y voir l'emplacement des poutres supportant le plancher et deviner que ce domaine avait une importante production de vin d'environ 1100 hectolitres avant la seconde guerre mondiale. Ces caves furent réaménagées en porcheries puis définitivement abandonnées.

           Quelques pas plus bas, le chemin de la Robine nous emmène au Domaine encore habité de Sainte Lucie où le Conservatoire du maritime et fluvial en Pays Narbonnais restaure des barques anciennes. Nous avons quitté cet îlot de verdure sauvage encore préservée que l'on appelle " l'île aux 1000 senteurs" pour rejoindre notre écluse et nos voitures.

    JC d'Oc 03/2014

     

     

     


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    Alors! Raconte! N°134

                                           La pêche aux grenouilles.

     

             Le temps est aboli, les années ont passé, d’un bond en arrière, reprenons le fil des jours, passons quelques moments  avec notre insouciante jeunesse et, par le miracle de l’imagination, redevenons les témoins du drame, car c’est d'un drame que je vais vous raconter.

            Les plaisirs durant l'après guerre de 1940 n'étaient pas très réjouissants car la principale occupation consistait à trouver les moyens de survie pour notre existence. Les fusils avaient étaient réquisitionnés par le maire du village  et ceux qui avaient eu la chance d'en conserver un n'avaient pas de cartouches pour tirer les lapins et perdreaux qui durant cette période avaient proliféré en masse dans la campagne et c'est grâce au braconnage que nous pouvions manger du gibier. Mais pour nous, petits gamins en culottes courtes et en galoches, la faim nous tiraillait le ventre et malgré les recommandations de nos parents, nous allions à la pêche aux grenouilles, seul luxe peu lucratif que nous pouvions nous offrir. Les villageois faisaient pousser carottes, choux, pommes de terre et salades dans de petits jardins familiaux  et pour trouver l'eau nécessaire pour les arrosages, ils avaient creusé dans le sol, dans la roche même de petites marres dans lesquelles poussaient roseaux et nénuphars  et qui abritaient toute une faune de grenouilles vertes. Ces marres possédaient des drainages qui permettaient lors des pluies de printemps de récupérer un peu d'eau de ruissellement. C'était notre terrain de pêche.

            Equipés de cannes à pêche rudimentaires faites d'un roseau auquel était accroché un bout de ficelle.  A celle-ci était noué un bout de fil à coudre auquel était attaché une sauterelle vivante. Des sauterelles, il n'en manquait pas car elles sautaient dans l'herbe tout autour de la marre. Voilà le drame qui se précise. Loin de là, ce n'était pas la corrida. Il fallait que le soleil darde ses rayons sur l'eau car les batraciens aiment s'exposer à la chaleur sur les berges. Avec mille précautions et surtout sans faire de bruit, nous nous approchions en rampant dans l'herbe vers la marre. et commencions à exciter les grenouilles en leur présentant sous leur nez la friandise de notre canne. Pas plus bête qu'une "granhota gloutonne *" pour happer tout ce qui bouge. Parfois deux grenouilles se disputaient l'appât et la plus bête se faisait prendre. Ces batraciens voraces avalaient d'une bouchée la sauterelle et il suffisait que de tirer la gaule pour sortir notre trophée de l'eau. Rapidement on l'attrapait avec un chiffon car elle glissait comme une savonnette. Maintenant, ne voulant pas de reproches de la SPG (Sauvegarde Protectrice des Grenouilles) la suite n'est pas à dire. Le drame était d'entendre le cri de ce don de Dieu lorsque l'animal  gigotait au bout de la canne.

             Maintenant on mange des cuisses de grenouilles qui de trop avoir sauté sautent maintenant dans la poêle  avec une persillade mais aussi frites en beignets. Bernard Loiseau en a fait un plat très apprécié dans son restaurant à Saulieu. Il est vrai que ces batraciens foisonnent dans les Dombes bourguignonnes. Mais si les Espagnols et le Allemands raffolent de plats faits de cuisses de grenouilles, on n'en fera pas manger à nos voisins Anglais. Ils affublent bien les frenchies du surnom de "mangeurs de grenouilles" les flogs eaters. Enfin, il ne faut pas s'indigner avec les lunettes d'aujourd'hui en voyant  les cuisses de grenouilles congelées qui proviennent d'Indonésie ou du Brésil  et savoir où et comment sont-elles pêchées, ni l'hécatombe de grenouilles écrasées sur les routes au moment du frai.

               Enfin n'est-il pas beau d'écouter dès le printemps les anoures des grenouilles, ces cris joyeux au moment des accouplements.  grouah!  grouah!  thichi!  tchichi! Quel beau concerto nocturne! Ce sont les mâles en quête d'amour qui font ce bruit strident et court pour délimiter leur territoire.

                En Martinique, bien que les gens sédentaires ne les entendent pas ( par habitude) les hylidés, ces petites rainettes de 5cm empêchent les touristes de dormir. Elles vivent dans les arbres à l'humidité et sont infatigables durant toute la nuit. De nombreuses fois, on en retrouve même dans les maisons où elles chassent les moustiques. Alors pourquoi chasser ces artistes. Elles ne font de mal à personne !

    JC d'Oc 04/2014.

     

     

     

     


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