•  

     

     

     

     

     

                                             

    Alors! Raconte! N° 144

     

                        La  guerre 1914-1918 en Biterrois

         Le soulèvement des vignerons de 1907 avait déjà donné à la ville de Béziers une mauvaise réputation mais c'est le 28 juin 1914, avec l'assassinat de François Ferdinand l'archiduc héritier d'Autriche Hongrie à Sarajevo que l'Europe s'enflamma. Le 1er août l'Allemagne déclara la guerre à la Russie puis le 3 août à la France. Par la violation de la Belgique, l'Angleterre entra en guerre le 4 août aux cotés de ses alliés.

          Dans ce conflit, les militaires souffrirent mais les civils aussi. A Béziers, lors de la mobilisation des hommes le 2 août, le tocsin et les cloches retentirent et une population importante convergea vers les Allées Paul Riquet avec calme, dignité et sang-froid. Le soir, tout redevint calme et les gens rentrèrent au domicile conjugal mais ils eurent conscience de basculer de la paix dans la guerre.  Béziers fut un centre de recrutement car c'était le centre de garnison du 96è Régiment d'infanterie  et du 1er Hussard (ex caserne Du Guesclin et caserne St Jacques). Au silence qui suivit la mobilisation, succéda le vacarme des départs devant la gare où les adieux des épouses, les dernières recommandations des mères furent un moment très touchant.

           Dans les villages la mobilisation s'opéra par vagues. La classe1914, la plus jeune fut appelée par anticipation puis suivirent les classes de 1896 à 1913 et la France mit sous les drapeaux 2 200 000 hommes de réserve et 1 540 000 hommes de l'armée territoriale. A chaque appel, une importante majorité des réformés et d'ajournés furent déclarés bons pour le service. Les devancements d'appel et les engagements volontaires eurent le choix de l'arme dans laquelle ils voulaient servir. C'est ainsi que Léonce  Antonnuccio, jeune sérignanais de 17 ans  devança l'appel dans la marine en 1917.  A Béziers on compta 878 engagements volontaires. Même le maire de Béziers A. Signoret fut mobilisé le 2 août 1914. Les vicaires de la cathédrale offrirent leurs soins aux blessés sur le front. D'août 1914 à mai 1915, 7500 enfants de Béziers avaient été mobilisés.

          Dès le premier jour de guerre, les mairies recensèrent les besoins et les réquisitions du matériel et des animaux débutèrent. Les produits les plus utiles étaient le blé, les pommes de terre, le bois, le fer, les vélos,  les chevaux, les mulets et les voitures automobiles. Au fil du conflit, les besoins des armées augmentèrent et les réquisitions furent de plus en plus importantes. En 1917, dans le Biterrois où il manquait depuis longtemps de la farine il fut décrétée la réquisition de la totalité des récoltes de blé et de seigle. Les biterrois mangèrent du "pain noir" fait avec de la farine et du son. Il fut prélevé en 1915  36000 hl de vin sur la commune de Béziers soit le quart de la récolte. Le personnel de police avait le droit de faire des perquisitions de jour et de nuit dans le domicile des citoyens. Il prit toutes les armes et leurs munitions. Les affichages et les réunions furent interdits. L'état de siège décrété par l'autorité militaire et le maire Pierre Verdier, le 5 août 1914, fit interdire la circulation sur les routes de 18h à 6h. Des sauf-conduits furent délivrés et les postes d'octroi situés aux entrées de Béziers firent des contrôles rigoureux. La censure de l'information eut lieu sur tous les faits de guerre. Les lettres envoyées aux poilus furent lues. La vérité sur la conduite des opérations militaires fut masquée. Seules les nouvelles officielles furent affichées sur des panneaux de bois qui portaient l'entête " Dépêches officielles". Dès août 1914, l'affluence devant ces placards provoqua des attroupements  aux heures des parutions. La censure fut telle que le 28 septembre, alors que se déroulait la bataille de la Somme, le communiqué affichait "Rien de nouveau dans la situation générale, calme relatif sur une partie du front". Il fallait donner le moral aux civils,  maintenir l'ordre et ne pas entacher les militaires. Il s'en suivit un bourrage de crâne des civils en ventant la supériorité française, la bassesse et la cruauté allemande, l'excellence des soldats français et la puissance de nos alliés. Dans la ville de Béziers, la chasse aux espions allemands fut ordonnée et un pauvre cheminot alsacien dont son nom de consonance germanique fut arrêté et sur le trajet lors de son arrestation, la foule proféra des injures à son encontre. Il s'avéra que le pauvre homme avait ses deux fils sur le front, qu'il était français et qu'il n'était nullement un espion.

            Mais sur le front que se passait-il ? Le vécu des soldats en premières lignes, dans les tranchées boueuses, dans le froid et la mitraille lors des attaques des positions allemandes dont les plus sanglantes, dans des corps à corps, à coup de baïonnettes était caché et il était difficile aux civils d'imaginer une telle violence. L'état de siège avait déjà séparé les français entre eux. Il y avait le Front et l'Arrière, les militaires et les civils. Le jeunot de Béziers qui était monté dans le train était devenu "un poilu" et ceux qui restaient  des "non militaires". Sur le front, par le brassage de la population, un nouveau vocabulaire apparut, les chaussures devinrent des "grolles, des godasses", la nourriture "la boustifaille" les baisers envoyés "les bécots". Enfin, ces mots entrèrent dans le langage courant et furent récupérés par les civils.

             A Béziers, il n'y eut de combats mais la ville n'échappa à la mobilisation. Elle participa à l'effort de guerre et les civils firent preuve d'un grand élan de solidarité et de générosité envers les poilus. Pour la première fois, c'était l'Union sacrée chez les Biterrois. Dans la souffrance, toutes les haines furent oubliées. Dès le mois d'août 1914 des aides se mirent en place pour les plus démunis mais surtout pour soutenir le moral des soldats. Des bons d'alimentation (pain, viande) par le Bureau de Bienfaisance furent distribués aux familles les plus nécessiteuses dont le chef était sous les drapeaux. La population française fut invitée à donner son or,  son argent puis un emprunt fut lancé pour financer la guerre. Les quatre emprunts rapportèrent 76 milliards de francs. Mais cela n'était pas suffisant au niveau local. Les hôpitaux de Béziers étaient remplis de blessés. Le maire de Béziers, dès le 20 août 1914 lança un appel de dons matériels de première nécessité. La salle de mariage de la mairie reçut des lits, des draps et des couvertures. Malgré les réquisitions déjà très importantes, les viticulteurs de la région biterroise offrirent généreusement leur vin à l'œuvre du " Vin aux soldats". Cette dernière reçut début 1915 38400hl de vin. La solidarité et la générosité des gens du Midi ne suffisaient pas.

           La légende noire des soldats du Midi  dont certains avaient mis crosse en l'air lors du soulèvement viticole de 1907 a couté cher à nos soldats méridionaux. Plus de 10 000 de nos soldats du Midi tombèrent sur le champ de bataille durant la journée do 20 août 1914. Joffre s'en prit aux méridionaux qui n'ont pas tenu sous le feu et qui ont été la cause de l'échec de l'offensive. L'idée que nos soldats ne sont pas fiables et sont même des traîtres en puissance va se développer. Un examen pointilleux de ceux que l'on soupçonne comme ayant commis des actes d'automutilation va s'exercer et le 18 septembre 1914 six accusés du Midi passent en cour martiale et sont fusillés sur la seule foi d'un certificat médical.   La guerre est vraiment injuste.

     

    Suite au n° 145     JC d'Oc   02/2015


    votre commentaire
  •  

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Alors! Raconte! N° 143

                                                      Publicités murales sur nos façades.

          DUBO! DUBON! DUBONNET! Ce panneau publicitaire agrémentait les parcours en métro à Paris. Qui a vécu ou vit encore dans la capitale, n'a vu ces panneaux publicitaires avec leurs grosses lettres blanches sur fond bleu  dans les tunnels du métro surtout lorsque la rame était arrêtée face à l'une de ces œuvres  artistiques. Ces slogans sur les parois obscures hypnotisaient les voyageurs dans les années 50.

         SUZE !, cette pub verticale en relief noir sur fond jaune - PERNOD FILS !  ST RAPHAEL QUINQUINA!  Agrémenté de sa littérature " vin tonique au quinquina" PICON parce que c'est bon ainsi que le COGNAC Martel. Dans les années 50, les alcools n'étaient pas interdits de publicité et les peintures murales qui subsistent s'effritent sur les vieilles façades des maisons de nos villages. De nos jours, ces peintures murales sont devenues des reliques archaïques. Dans les années 1920, les publicités murales proliféraient et étaient aussi agressives que celles que l'on voit aujourd'hui.

           Mais elles commencent à se défraîchir surtout qu'elles sont souvent effacées par des panneaux publicitaires qui les superposent. Il faut ouvrir l'œil lors de la traversée des villages tels Coursan, Puisserguier et le long de la route qui mène à Narbonne. Elles sont toujours bien exposées à la vue des passants et des automobilistes et vantent une marque, une échoppe, un restaurant, un produit (PETIT BEURRE LU - PERRIER - LA VERNIERE- VITELLOISE- ST YORRE). Elles sont le témoignage de cette époque pas si lointaine d'une France oubliée où les publicités se fixaient sur les murs à des endroits où l'on ne les attendait pas, sur un pignon de maison, sur un mur de cabane ou en bordure de route.

          MIDI LIBRE! LA MARSEILLAISE! Les journaux de diffusion locale ont eux aussi eu leur publicité florissante sur nos murs. (Fontjun).

         CANAL DU MIDI! Avec sa version blanc sur fond noir.

         POULAIN avec son image caractéristique du petit cheval en train de ruer.

        SCHNEIDER et va donc pour la télé, nouvelle forme d'image qui entre dans les foyers.

         Publicité qui a fait ses preuves depuis 1920 " La Brillantine FORVIL" Bravo Bourvil !

         RIPOLIN  avec ses trois peintres qui se badigeonnent le dos.

          Parfois, c'était la guerre entre deux marques DUBONNET et BYRRH - Dubonnet est de couleur bleue, Byrrh en rouge sur fond blanc, Ce qui faisait républicain.

          A Coursan, le cœur du village doit être rénové. Que restera-t-il des murs publicitaires, de ces témoignages de la publicité naissante du début du XXème siècle. Maintenant les réclames se superposent et le crépi tombe. Ce n'est que délabrement et abandon. Faut-il redonner des couleurs, comme celles de la fresque du bicentenaire de la Révolution réalisée en 1989 mais quelle publicité choisir lorsque sous le lettrage de SUZE  apparaissent les plus anciennes CA VA SEUL et FORVIL.

        ANTAR, SHELL, SOLEXINE sur le bord de nos routes.

     

      Nos murs peints sont en danger, ils s'effritent. Ces pages d'images du patrimoine appartiennent à notre mémoire et il faut les préserver.

      Le temps passe, les enseignes murales témoins d'une époque tentent de survivre au temps qui se déroule, mais en même temps leurs couleurs se dégradent. De nos jours, le siècle de l'éphémère et du jetable supplante les dernières réminiscences du siècle dernier et pourtant qui parle aujourd'hui de CADUM. Cette marque de crème et de savon a été déposée vers 1907. Son nom vient de cade désignant notre genévrier du Midi avec lequel on fait de l' huile. A cette époque, l'utilisation d'un savon individuel était considérée comme un luxe et il fallait le démocratiser. Apparaît en 1910 le beau bébé souriant sur les murs de propriétaires qui perçoivent une redevance publicitaire de la marque. Pour que les gens atteints de psoriasis évitent de se gratter l'inscription "ne vous grattez jamais, pommade  CADUM soulage immédiatement et guérit toutes les affections de la peau " est placardée non seulement sur les devantures de pharmacies mais aussi sur les murs peints. Enfin, notre Bébé Cadum a du faire à son tour des bébés en compagnie de Colgate qui parraine encore la marque.

         Il viendra le temps où les tags qui n'apportent aucune connaissance remplaceront nos défuntes images publicitaires sur de murs aveugles. Elles ont presque toutes disparu avalées par la rénovation urbaine ou victimes des  intempéries. Nous ne nous rappellerons plus du XXème siècle précédent, de l'aventure automobile et du développement économique si bien représentés.

              

     

     

                                                       ADIEU Petit Journal

     

                                                  

     

     

     

     

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               

     

                                                                                      

     

     Adieu Midi Libre

     

     

     

     

                                                                                                                    Tout n'est que poussière                  

     

      JC d'Oc 12/2014

     

     

     


    1 commentaire
  •  

     

     

     

     

    Alors! Raconte! N° 141

     

     

                                  Le gouffre de l'Œil doux

     

    Notre randonnée du 13/9/2014

     

                          Encore un regard sur notre planète dans notre Région du Languedoc tout près de la Méditerranée, à quelques pas de Fleury d' Aude, petit village plein de charme. Il n'existe pas à ma connaissance une telle curiosité qui attire tous les ans autant de touristes, d' écoliers mais surtout de randonneurs avides de couleurs et de beautés.

                          L'"Œil doux", entre terre et mer, dans un amphithéâtre de calcaire blanc est une émeraude dans le vert d' une nature qui ne laisse pas les promeneurs indifférents. Son nom en occitan " Uèlh Dotz". L'œil viendrait de la forme de son ouverture et doux représentant en occitan la source, le canal. Cette cénote, ce puits naturel formé par l'effondrement du sol à l'ère tertiaire pourrait être un lieu magique avec un pouvoir cannibale, mais ce n'est pas un gouffre noir où nos anciens peuples y faisaient des sacrifices humains.

                         Dans le massif de La Clape, de nombreuses failles ou galeries existent. Elles sont issues de la dissolution du calcaire en profondeur. Des effondrements calcaires se sont produits au dessus d'un réseau de grottes où abondait l'eau. Ce sont formés des avens. Mais le plus troublant à l'"Œil doux" est que l'eau est légèrement salée.

                           L'eau de la mer s'infiltrerait par une petite galerie dans cette résurgence et par l'effet des vases communicants viendrait saler l'eau et ferait varier son niveau au moment des équinoxes. Cette eau abreuvait les troupeaux au siècle dernier. Ses pulsations sont invisibles Des ingénieurs ont déversé un colorant, la fluorescéine, qui est ressortie trois kilomètres plus loin dans la Méditerranée, au large de Saint Pierre la Mer. Une question se pose ? Est-ce ce colorant qui donne encore cette couleur verte à l'eau où la présence des algues vertes qui se développent sur le fond situé à douze mètres.

                             L'équipe du Commandant Cousteau serait venue explorer les profondeurs. Les plongées ont permis de mettre en évidence une liaison avec la grande bleue sans plus de précisions.

                              Ne quittons pas de l'œil ( bien sûr ça va de soi) ce site exceptionnel qui attire les baigneurs imprudents qui sautent aux risques de leur vie du haut des 36 mètres de la falaise, de cette eau sournoise qui, encore cet été a pris vers son sans- fond une adolescente, qui en février 2012 immergeait le corps d'une jeune femme disparue de son domicile à Béziers, puis tout récemment en juin dernier, un jeune homme de trente deux ans est ressorti groggy après un saut de la falaise.

                              Notre rando se poursuivit dans cette combe qui remonte de St Pierre la Mer vers le parking  réaménagé par de nombreux plots de bois. En quelques enjambées nous voici arrivés à la Bergerie, cet écomusée situé à dix minutes du domaine de l'Houstalet. Cette bâtisse entièrement rénovée est ouverte tous les après midi en saison estivale. Elle expose des outils anciens du XXème siècle ayant servi au travail de la vigne tels des fûts de chêne, des comportes, des robinets de cuves, des masses pour ''quicher'' (presser) le raisin, des pals émaillés, un fouloir, des ciseaux de taille, un pulvérisateur, des pompes à vin et une belle collection de lanternes ( des caleïlles) de charrettes.

                              Le domaine de l'Houstalet qui abrite toujours ses chèvres naines, ses poules et sa laie de 200kg est toujours aussi attractif pour les grands et les petits.

    Belle randonnée un peu chaude.    

     

     

     

     

    JC d'Oc  09/2014 


    2 commentaires
  •       

     

      Alors! Raconte! N° 142

     

     

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

                             Le faux monnayeur de Villespassans . 

           Conter c'est passer de l'écrit à l'oral et vice versa, c'est dire avec lenteur cette infime partie de la mémoire que l'on veut faire découvrir aux autres.

          J'aime raconter les histoires que j'ai retrouvées dans un vieux livre, remonter le temps dans des pages célèbres, c'est un prétexte au voyage dans le présent ou dans le temps, j'aime ma terre languedocienne, les vieux châteaux bouffés par les ronces ou par le lierre, les donjons demi écroulés encore ensoleillés le soir tombé. J'aime sa géologie qui nourrit et donne ce vin nectar des dieux.

          J'aime mettre quelques mots au service d'un personnage qui ne sera jamais réincarné. C'est l'hommage que je porte dans ces lignes à ....

          Dans ce petit village qui marque la transition entre plaine et garrigues du Pardailhan  Villespassans possède un "castrum", petite  agglomération fortifiée, mentionné dès 1180. En 1590, le village subit le siège lors des guerres de religion  suite à la rivalité entre le duc de Joyeuse et  Montmorency.

          L'église dédiée à Notre Dame de l'Assomption conserve à l'intérieur les traces d'une première construction datée vraisemblablement du Xème siècle. L' abside était fortifiée et le chœur était adossé aux remparts. Le clocher détruit a été réhabilité en 1857 et l'église agrandie en 1859.

         Les ruelles au tracé sinueux du centre ancien abritent encore quelques belles maisons médiévales. Les textes du XVIIIème siècle attestent de l'existence et la pratique d'activités pastorales notamment de l'élevage de chèvres. La vigne a remplacé progressivement la culture du seigle et de l'avoine. En 1910 les productions de Villespassans étaient la vigne et ... les truffes noires.

          Ce village était entouré de murailles et les seigneurs au Moyen Age percevaient un droit de péage pour les voyageurs qui passaient. D'où l'origine de son nom Villespassans ( Vilespassens en occitan : Villas passans 1159 signifiant Villas= domaine et de passans = passagers, vagabonds, le passage).

           Les maîtres du château furent plusieurs fois mêlés à l'histoire régionale dont la chronique judiciaire de mars 1712 fait écho. Le seigneur Joseph Marie Douzon de Cabrerolles de Villespassans,  qui possède le château est l'héritier de nobles magistrats. Son grand père était juge à Béziers, son père était conseiller à la Chambre du Parlement de Toulouse, sa mère était la fille du Président du Parlement de Toulouse. Donc son avenir était tout tracé vers la magistrature. Il deviendra Grand Chambrier, organe le plus prestigieux de la cour de Toulouse. Avec des complices, il cherchait des moyens pour s'enrichir. Faire de la fausse monnaie, transformer des anciennes pièces sans valeur en de nouvelles et les diffuser dans le royaume, rien ne pouvait arrêter ce magistrat toulousain qui ne pensait jamais être découvert vu son statut de privilégié . Il fit battre monnaie par de petites mains, des forgerons, des fondeurs et acheta des mortiers, des fourneaux, des barres de laiton, des crochets et des pierres de mine. Une bande fut constituée autour du chef J.M de Villespassans qui les protégea pour écouler la production de pièces contrefaites.

          Mais en mars 1712, ses complices le dénoncèrent. Il fut arrêté alors qu'il tentait de fuir. Villespassans fut emprisonné à la citadelle de Montpellier . Son jugement par la Grande Chambre du Parlement de Toulouse, après enquête, ne pouvait être fait par la cour dans laquelle sa famille était largement influente. A Toulouse des témoins à charge sont déboutés d'autres influencés reviennent sur leurs témoignages. Seuls les complices  sont condamnés à la pendaison avec leur corps brulé. D'autres sont envoyés aux galères.

         Au final, J.M de Villespassans pour preuve insuffisante est relaxé, son honneur est sauf mais il est interdit pour toujours des fonctions de sa charge. Il est écarté du Parlement qui voulant éviter une peine corporelle et infamante à l'un des siens préféra donner une meilleure image de l'autorité judiciaire.

         Dans cette affaire, les menaces contre sa famille d'avocats, les pairs sur son ordre ont influencé les juges qui n'ont pas vu en lui un faux monnayeur, lui évitant l'accusation de crime de lèse-majesté donc la pendaison.

         Durant les années qui suivirent, J.M de Villespassans, privé des  revenus de son office, eut de gros soucis financiers. Il dut revendre sa charge en 1715 à un autre avocat du Parlement qui avait d'ailleurs participé à son jugement. Ruiné, il loue une chambre chez l'habitant à Pézenas. Il meurt  à l'âge de 87 ans entouré de ses deux nièces  ne leur laissant que des dettes.

         Moralité de cette histoire. Les petits ont été jugés avec rigueur alors que les nobles n'ont même pas été réprimés.

           " Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir " - Jean de La Fontaine                           

    JC d'Oc 11/2014

     


    votre commentaire
  •  

     

     

     

     

     

    Alors! Raconte! N° 140

                                        Peyriac de Mer - ses salines.

        En ce début d'octobre, nos pas de marcheurs ont foulé le sentier qui entoure l' étang du Doul à Peyriac de Mer en empruntant un passage planchéié qui permet l'accès à la colline du Mour. Le village de Peyriac de Mer est situé sur les bords de l' étang de Bages où au XVIème siècle son économie était tournée essentiellement vers la pêche, la récolte du sel et bien plus tard vers la viticulture. Pour honorer la profession de vignerons la commune a fait ériger une superbe sculpture composée de socs de charrues, de brancards hissés vers le ciel comme des bras et de roues métalliques enchevêtrées . Cet ouvrage d'art signale l'entrée de la passerelle de bois au dessus des anciennes salines du village.

        Pour éviter l'urbanisation sauvage du site, car du haut de la colline du Mour, la vue est exceptionnelle sur la mer, les étangs et sur l'île de Planasse située au milieu de l' étang de Bages, le Conservatoire du Littoral en 1981 a acheté les salines.

       L'exploitation du sel débuta depuis la plus haute Antiquité. La Narbonnaise romaine payait ses légionnaires en sel d'ou le nom de salarium qui donna naissance au mot salaire.C'est vers le XVIème siècle que les salines connurent leur pleine puissance de production.

       Mais honneur aux hommes qui durant plusieurs siècles ont ratissé le sel au râteau dans les marais-salants. Les sauniers portaient dans une banaste posée sur leur tête le sel pour être stocké en gerbes une dizaine de jours pour le laisser suer de ses eaux. Après un rapide nettoyage, le sel était ensuite entassé en "canelles" ( pyramides de sel) d' une hauteur de 4 à 6 mètres. Les sauniers recouvraient de tuiles les canelles, puis les expéditions à dos d' ânes s'effectuaient et après  plusieurs semaines de marche remplissaient les entrepôts à Toulouse. Avant tout départ les meneurs d'ânes devaient faire enregistrer le poids de sel par un contrôleur situé dans une guérite encore présente de nos jours sur le bord de la saline. Le sel au Moyen Age avait une grande valeur. C'était le seul moyen de conserver les aliments. Il permettait le séchage des poissons, la conservation des aliments. Cet "or blanc" était soumis à l'impôt ( la gabelle). C'est ainsi qu'une contrebande s'organisa par des faux-sauniers.

       En 1596, le roi Henri IV, pour arrêter ces trafics illicites qui appauvrissaient le trésor royal, condamna les salins du Languedoc à la submersion. Il s'en suivit une révolte des sauniers mais seuls les étangs de Sigean et de Peyriac furent épargnés de la peine. Les étangs de La Palme, de Gruissan et de Mandirac aux portes de Narbonne destinés à être submergés purent continuer sous certaines conditions. Les faux-sauniers arrêtés étaient marqués au fer rouge de la lettre G (gabelle). Ils pouvaient être envoyés aux galères en 1680. En 1703, les faux-sauniers constituaient plus du quart de l'effectif des galères.

       Cela aboutit à la création de la "Compagnie des Salins " en 1599.

       A compter du XVIIème siècle, les salins acheminèrent leur production par charrettes ou par bateaux dans de grandes barques appelées des "allèges" vers Narbonne dans des entrepôts. Mais pour passer dans les étangs de Bages- Sigean de faible profondeur il fallut des bateaux à fond plat appelés des "lizerons" pour remplacer les "allèges".

       Moitié du XVIIème siècle, Colbert, le "commis " du roi Louis XIV oriente les destinations vers Perpignan car le Roussillon devint une province française en 1659.

       Au XVIIIème siècle, le sel de Peyriac de Mer permet les salaisons des poissons à Sète. Le sel permet aussi la conservation de la charcuterie dans le Gévaudan en Lozère.

        De nos jours le chlorure de sodium est une ressource quasi-inépuisable. Il se présente sous deux formes soit minérale appelé sel gemme ou halite utilisé pour le déneigement des routes en hiver ou sous forme de cristallisation le sel de mer. Le sel de mer a continué à être utilisé dans le domaine industriel voici quelques décennies, notamment pour la fabrique du savon, pour le tannage des peaux du Tarn, vers les mégisseries de Mazamet et de Castres et comme composé chimique des engrais industriels toulousains (ONIA- AZF), dans la fabrication des fibres et plastiques, dans l'adoucissement de l'eau courante.

        Dans le domaine de l'industrie alimentaire, il est utilisé dans le traitement des fromages, des viandes, de la charcuterie ( salaisons des jambons de Lacaune), des poissons ( morues, anchois) et pour l'alimentation du bétail en Limousin.

        Actuellement sur le site le Conservatoire du littoral a réhabilité un ancien bâtiment militaire en musée qui relate des différentes étapes de la production et du traitement du sel. Ce musée, véritable "Mémoires d'étangs" est situé en bordure de la saline. Ce poste abritait des "gabelous" ancêtres des douaniers qui contrôlaient la production du sel.

       Ainsi se termina cette exploitation il y a près de quarante ans. Le vent, le soleil de notre région, à sa situation abritée par les dunes permirent durant des siècles au village de Peyriac de Mer de bénéficier d'une économie florissante. De nos jours, l'exploitation des marais salants s'est déplacée autour de Aigues Mortes, La Palme et Gruissan.

       Nos flamants roses n'ont pas de souci à se faire. Beaucoup de places leur sont réservées et les étangs leur apportent encore beaucoup de nourriture.

       Si vous apercevez le fantôme de Nicolas de Peyrac en compagnie d' Angélique Marquise des Anges. C'est une hallucination !!

       Si vous voulez vous baigner dans la saline, aucune crainte de noyade car l'eau, trois fois plus salée que la Mer Morte porte à merveilles, par contre la baignade sera très salée.

    JC d'Oc 10/2014


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique