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      Alors ! Raconte ! N° 34

     

     

     

     

     

                              Les traditions festives dans les années 5O.

     

     

     

              Après la dure journée de travail, la peau tannée par le soleil, il fallait forcément, de temps en temps lâcher la soupape et dans les villages de l’ouest de l’Hérault, dans le Saint Chinianais surtout,  il fallait se défouler. De ce défoulement, pas toujours  catholique mais diablement  recherché, seuls les anciens qui vécurent leur enfance dans le village de Cébazan peuvent en témoigner. On s’amusait avec peu de chose. Tant que l'on ne connaissait pas la vie, on se contentait de ce que l'on avait. Inutile de brûler des voitures. Il n’y en avait pas, ce qui ne nous empêchait pas de nous déplacer à bicyclette où sur la 125cc Peugeot, les filles à l'arrière.

     

              Commençons par la pratique de la tournée du ‘’ barricot’’

     

               C’était un joyeux porte-à-porte nocturne destiné à se faire offrir de généreuses rasades de vin blanc (carthagène et muscat de préférence). Le vigneron ouvrait grande la porte de sa cave aux jeunes et moins jeunes. Les tonneaux étaient mis en perce. (On enfonçait le robinet dans le trou du bas). Puis les verres bien pleins, le vin blanc était apprécié. Il fallait goûter à tous les tonneaux.  Certains vignerons, plus malins que d’autres,  fermaient le portail  et gardait la clef de leur cave sur eux si bien que les festoyeurs ne pouvaient sortir que dans un état d’ébriété avancé. Seule sanction, la gueule de bois le lendemain.

     

               Continuons par le jeu du ‘’martelet’’

     

               Dans ces virées tonitruantes, on ne s’arrêtait pas au premier verre. On continuait par un jeu aussi simple que redoutable. On attachait un marteau ou diverses ferrailles à la poignée de porte d’une habitation. On les actionnait à l’aide d’une corde et ça tambourinait jusqu’ au réveil du propriétaire. Celui-ci n’avait que deux choix. Soit il était costaud et en braillant faisait fuir les fêtards, soit il offrait un coup à boire. L’alcool faisait vite office du meilleur médiateur qu’il soit. On ne pensait que ripailles et beuveries. La paix sociale se trouvait miraculeusement rétablie si un casse-croûte était offert en plus.

     

                    

     

                     La soulinque.

     

     

     

                 La fin des vendanges était fêtée dignement car elle représentait le résultat du travail de toute l’année du viticulteur. Pour que tout le monde, patrons et ouvriers agricoles se rappellent de ce jour mémorable, la maitresse de maison préparait un repas digne de Bacchus. Pendant que le jus de raisin fermentait à sa guise dans les cuves et les foudres, on préparait les festivités en sortant tables et chaises dans la cour. Cette fête était appelé la ‘’ soulinque ‘’ non pour abuser du précieux nectar, mais pour fêter la fin des vendanges et présenter au vigneron toute notre admiration sur la qualité de son vin de l’année précédente. De plus en connaisseur, on parlait ‘’degré’’, cépages (carignan, aramon, terret, malvoisie, grenache et bien d’autres). La quantité était comptée en nombre de comportes et de cuves pleines.

     

                 Le repas commençait toujours par l’apéro (bien sûr, du muscat et pour les femmes du quinquina). S’en suivait plusieurs entrées. Le patron sortait ses bouteilles de vin vieux. On levait toujours son verre en regardant le maître de maison. Entre les plats, on faisait le trou ‘’de Madame’’. Aucune connotation avec ce que vous pensez ! Puis s’en suivait le plat du chasseur : lièvres, lapins, perdreaux accompagnées de cèpes sautés dans l’huile d’olive. Le ragoût aux olives avec sa purée. Puis le seul, l’unique de l’époque, le roi des fromages, le fromage des rois – le célèbre  ‘’Roquefort’’ que l’on tartinait sur des tranches de pain avec des trous. La joie montait dans l’assistance. On enlevait la serviette du tour du cou pour montrer sa dextérité dans la valse, si l’équilibre le permettait. Le dessert, le café, la ‘’ gnole’’, la ‘’re-gnole’’.

     

                  Ainsi se terminait cet hommage aux bienfaiteurs du monde (vous mettrez qui vous voudrez !).

     

     

     

     

     

                 Ah ! La fête au village.

     

                 On l’attendait impatiemment pour la Saint Martin. Cet homme qui avait partagé son manteau avec le Christ. Les préparatifs battaient leur plein une semaine avant les festivités. Banderoles et calicots étaient placés aux entrées du village. La salle de bal était décorée de couronnes confectionnées avec du buis. Les ampoules multicolores éclairaient  les rues. Mais le temps fort de ce grand défoulement était l’arrivée de l’orchestre.  Dès le matin, une charrette décorée tirée par un cheval emportait les musiciens pour faire le tour de ville. Cet orchestre moderne qui a remplacé les anciens tambourinaïres jouait à la demande des familles, devant leurs maisons les morceaux préférés qu’elles avaient choisis. Ce qui permettait aux organisateurs de quêter un peu d’argent pour payer le bal.

     

                    L’après midi était réservée aux festivités enfantines.  La course en sac où il fallait sauter dans un sac à patates jusqu’à la ligne d’arrivée précédait la course de l’œuf. Il ne fallait pas faire tomber l’œuf placé dans une cuillère.

     

                    Puis s’en suivait le loto ‘’de la paroisse’’. Le dimanche précédant, sur sa chaire, le curé avait annoncé l’évènement. Toutes les paroissiennes étaient venues et espéraient  que la volonté divine allait leur faire gagner le paradis, non, le panier garni. Il fallait bien que tout le monde tire profit des festivités.

     

                   Fidèlement avec les traditions languedociennes, chaque famille confectionnait  ces pâtisseries légères connues sous le nom d’ ‘’oreillettes’’.  Elles étaient vendues au profit du bal.

     

                   Ce grand défoulement populaire commençait dans la salle de bal où les mamans, assises sur des chaises autour de la piste, surveillaient attentivement, faits et gestes des prétendants pour leurs filles surtout après une série de tangos. Le bal continuait par ‘’la paimpolaise’’ et le ‘’quadrille’’ avec ses cinq figures imposées. La danse symbolique en fin de soirée, ultime couillonnade, était réservée à la ‘’danse du soufflet’’ pour les parisiens ; la ‘’buffatière’’ pour les méridionaux. Inutile de vous faire un dessin pour illustrer cette farandole. Les danseurs, uniquement vêtus d’une chemise de nuit blanche et d’un bonnet de meunier se lançaient  dans  des tournoiements un peu rustiques. Chaque danseur était muni d’un gros soufflet rempli de farine. Et tourne, et vire et buffo  (souffle). Pour agrémenter la danse, le souffleur devait souffler dans le bas du dos du précédant qui à son tour levait sa jambe et émettait un tonitruant prout dans le nez du souffleur. Bien sûr, la veille au menu : haricots, fèves et navets. Les bals étaient parfumés, très festifs et parfois glissants.

               J'ai retrouvé sur un vieil almanach l'histoire de cette danse du soufflet dont l'histoire est la suivante:  Cela remonte au Moyen Age où les moines, le jour du Mardi Gras sortaient en procession dans les rues du village munis d'un soufflet. Ils soufflaient dans tous les sens  pour faire fuir les mauvais esprits.

              Ce jour de Mardi Gras était la réjouissance des villageois, ils dansaient, chantaient et s'amusaient dans les rues. Vint se mêler un jeune moine  qui dirigea son soufflet dans le dos et même plus bas  d'une femme de mauvaise vie ce qui fit rire encore plus fort les gens du village. C'était une façon singulière de refroidir le cul d'une femme qui avait "le feu au cul".

            C'est ainsi que la tradition  du souffle au postérieur est née. Aujourd'hui, dans quelques villages, la danse du soufflet perdure. Les hommes enfarinés de la tête aux pieds, vêtus d'une chemise de nuit de femme , d' un bonnet de coton sur la tête, exécutent un pas de deux. Le meneur porte un gros soufflet, celui qui servait au boucher à gonfler les toisons de moutons .

                Les hommes , sur deux rangs avancent pas à pas, tapent en cadence avec deux planches en se tournant à droite, puis à gauche en faisant le geste de souffler dans le postérieur de l'homme qui le précède . Ils chantent:

                       " Souffle lui au cul, la pauvre vieille

                         Souffle lui au cul qu'elle en a besoin   (bis répétita)

                          Et souffle lui et souffle lui (bis)

                  Les mauvais esprits ont été chassés mais l'histoire ne s'oublie pas.

                  Il parait que cette histoire est véridique, mais même si elle n'est pas vraie, elle est bien bonne à raconter.

     

                     Chico, le célèbre pétomane parisien qui animait de ses pétarades les entractes des pièces du théâtre  Mayol,  n’était rien de comparable à côté des amusements de nos grands pères.

     

     

     

                     Avec le charivari du Conseil de révision, ces quelques histoires gaillardes et truculentes prouvent que dans le temps, on savait s’amuser, sans trop boire bien sûr. Toutes ces traditions festives ont disparu depuis l’avènement dictatorial de la reine télévision.

     

                    

     

     

     

    A bientôt JC d’Oc.

     


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    Alors ! Raconte ! N 35

     

                             

     

                                      L’ Abbaye de Fontcaude.

     

     

     

              L’abbaye de Sainte Marie de Fontcaude est réputée dans le monde entier. C’est le dernier ouvrage de style roman du Languedoc. Elle se niche au fond d’un vallon circulaire, près d’une source où il fait bon sentir le genêt, le thym, le romarin et où poussent les asparagus (les asperges sauvages).

     

               Elle est située sur la commune de Cazedarnes, à la limite de Cazouls les Béziers.

     

              Son nom vient de Font Scalidus en latin, Font Caoude en occitan qui signifie fontaine chaude. En effet, près du bâtiment des sources qui l’ont autrefois dédiée au culte de l’eau servaient à l’arrosage du domaine de Montmajour situé à quelques kilomètres de là. Actuellement, l’eau se fait rare en surface, mais à 3 m de profondeur, le sous sol regorge d’eau. Les moines bénédictins avaient leurs sourciers qui, avec des baguettes en bois de coudriers (le noisetier) trouvaient l’eau dans cette campagne aride. Du puits principal creusé à 4 mètres de profondeur, sort une eau à 14° toute l’année.

     

               Fontcaude est situé sur la ligne de partage des eaux. Un ruisseau délimite les deux diocèses de Narbonne et de Béziers.

     

               Donc, située sur un lieu sacré antique, l’Abbaye de Fontcaude a été fondé au milieu du XIIème siècle par un groupe de chanoines provenant du prieuré de Valcrose, près de l’Abbaye d’Aniane. Ces chanoines bénédictins vêtus de bures noires,  n’acceptaient pas l’autorité de l’Abbé et la communauté s’installe sur la partie du diocèse de Béziers le 14 septembre 1154. La paix régna en ces lieux jusqu’en 1165. L’ordre des bénédictins, inspiré par St Benoît de Nursie, a pour règle le travail, la prière et la charité. Cette ‘’sainte règle ‘’ sera troublée par des chanoines appartenant à un ordre nouveau les Prémontrés qui vêtus de bures blanches viennent les rejoindre. Les deux communautés rivalisent entre elles de part et d’autre du ruisseau. Un vrai jeu de dames. Les soutanes blanches contre les soutanes noires. Les prémontrés viennent de la communauté de l’ordre de St Augustin avec un ordre d’hommes (les moines), un ordre de femmes (les sœurs). Les deux associés acceptent les laïques. L’apostolat est contemplatif. Il se crée l’ordre des mendiants. Les moines donnent tout aux pauvres.

     

                  En 1169, le prieuré est érigé en abbaye sous la gouvernance du premier abbé Bernard de Fontcaude. Le patrimoine de l’abbaye se constitue rapidement par donations, legs ou achats.

     

                  En 1180, le pape Alexandre III approuve les statuts des prémontrés et les chanoines vont demeurer de l’autre côté du ruisseau, sur le territoire du diocèse de Narbonne.

     

                  En 1184, les moines prémontrés construisent l’église romane. Sa devise sera ‘’ TECUM LAURENTIS PACATIOR FONSCALIDUS’’ ce qui signifie ‘’ avec toi Laurent Fontcaude est plus en paix’ (en aparté c’est à cette date là que sera construite la ferme de Cazal Viel toute proche de l’abbaye).

     

                   En 1318, suite à la crise cathare et à la croisade des Albigeois,  l’abbaye est rattachée au diocèse de St Pons.

     

                   Pendant la guerre de Cent Ans (1337) les abbés sont désignés par le pape ce qui provoque des protestations. C’est le principe de la commende.

     

                   Durant la guerre de religion (1577), Fontcaude est incendiée et cela conduit au dépeuplement de la communauté.

     

                  Au 17 et 18ème siècle, seulement six chanoines vivoteront dans les bâtiments ruinés. En 1756, le dernier abbé quitte l’abbaye.

     

                  En 1789 lors de la Révolution française, les biens sont confisqués et vendus à la chandelle.

     

                  L’ensemble se démembra au 19ème siècle entre 9 propriétaires.

     

                  Il ne subsiste aujourd’hui que trois absides et le transept.

     

                  En 1969 les bâtiments sont restaurés par l’Association des Amis de Fontcaude aidée par l’abbé Géry. On peut à nouveau découvrir l’église, le cloître (construit sous St Louis) et le moulin à huile.

     

                  Le 13 mars 1995, un groupe de Cessenon ‘’ La fraternité jacquaire  de Septimanie’’ recherche les traces, débroussaille les chemins. Une fonderie de cloches a été retrouvée sur l’emplacement même du cloître. Elle a été datée du 12ème siècle. Lors des fouilles, cette association à retrouvé les chapiteaux du cloître sur le même emplacement.

     

                  Le musée se trouve sur l’ancien scriptorium des chanoines. On peut y voir des fresques funéraires, des habits liturgiques du 12et 13ième siècle ainsi que des livres  de chants grégoriens.

     

                 L’abbaye de Fontcaude est un grand site historique et architectural de l’Hérault. Situé sur la voie secondaire du Chemin de Saint Jacques, bretelle  de la Voie Tolosane venant d’Arles et se dirigeant vers Toulouse, le Somport et se terminant à Santiago de Compostella. Cette voie jalonnée de monastères et d’hôpitaux où l’on soigne les pauvres  a vu passer de nombreux jacquets.

     

                   Chemin bordé d’épines et d’étoiles.

     

                La foi déplace les montagnes dit-on !  600.000  pèlerins en 2004 – 2.OOO.OOO en 2008 sont arrivés à St Jacques de Compostelle. En chemin, les pèlerins se découvrent eux-mêmes. Ils perdent un peu de leur personnalité. Ils portent l’essentiel pour leur vie sur leur dos. En chemin, ils goûtent le silence et la divination du divin par la prière.

     

                Le 25 juillet, c’est le jour de la fête des cheminots et des cantonniers. Vive la St Jacques. Lors des fêtes, l’abbaye de Fontcaude sert de cadre grandiose où sont remarquablement interprétés des chants grégoriens.

     

                 ‘’ ULTRIA !  ULTRIA !  Chemin de terre, chemin de foi’’

     

     

     

                En attendant, allez donc à Fontcaude voir la fontaine St Jacques ornée de la célèbre coquille, touchez là,elle apporte le bonheur garanti. Malheureusement le bâtiment est tombé dans le domaine privé et les visites sont maintenant payantes malgré les fortes subventions touchées du Département. Lors de la  journée du patrimoine où toutes les portes sont ouvertes, l'accés était payant. Quelle honte! Comment un si grand site historique de l'Hérault a-t-il pu tomber dans de telles mains. 

     

    JC d’Oc.

     


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    Alors ! Raconte ! N° 36

     

     

     

                              Notre mémoire fout le camp et pourtant, ce n’est pas si loin que ça !

     

     

     

            Les moins de 40 ans n’ont pas connu l’époque où :

     

     

     

            Les colporteurs avec leurs sacs remplis de fils, d’écheveaux de laine, de teintures,  de rubans et surtout de fioles pour faire le pastis sillonnaient l’Hérault en passant dans les villages. C’était des multicartes, ancêtres de nos voyageurs de commerce. Ils vendaient tout ce que nous avions besoin pour la vie courante. Leurs petites affaires leur permettaient de vivre sans s’enrichir.

     

                                         

     

             Les chanteurs de rue avec leur limonaire ou leur accordéon passaient le dimanche matin après la messe et avant le repas dominical. Ils chantaient les chansons en vogue à l’époque en tournant la manivelle de leur orgue de Barbarie. Ils apportaient la joie et le bonheur dans les rues. Ils exécutaient un morceau de musique ; de leur voix rauque, ils chantaient une chanson choisie par les villageois. Les ‘’roses blanches’’ et ‘’ le dénicheur’’ étaient reprises en cœur. Ils vendaient des partitions pour quelques pièces de monnaie.

     

     

     

               Les marchands de tapis, surtout des orientaux, passaient en criant ‘’ tapis’’, quelques descentes de lits  croisées sur leurs épaules. Ils vantaient la qualité de la trame du tapis qui, d’après eux était toujours du fait main. Il fallait marchander serré car ils étaient durs en affaire.

     

               

     

                Sur la place du village, sous’’ la platane’’ s’installait l’étameur. Pour attirer la clientèle, il ‘’trompetait’’ dans sa corne de bouc en criant ‘’ étamer ! cuillères !  fourchettes !  plateaux ! couteaux !

     

    Après la guerre, il est vrai que les gens n’étaient pas riches et leurs couverts étaient en fer blanc plutôt qu’en argent. Après être passés dans un désoxydant, ils étaient trempés dans un bain d’étain. Ils retrouvaient ainsi leur éclat d’antan.

     

     

     

                 Le colporteur qui passait le plus souvent était ‘’ lou païllaïre’’. Il récupérait les vieux vêtements (en patois payos = vieux chiffon). Il achetait aussi les peaux de chèvres, de taupes et de lapins au préalable bien séchées. Pour se faire un peu d’argent pour aller au ciné ambulant, les gosses récupéraient les peaux des lapins fraichement tués et astucieusement les tendaient  grâce à des roseaux disposés en croix. Ces peaux étaient mises à sécher, puis vendues selon leur qualité.

     

                 Combien d’enfants pas sages ont failli être vendus au ‘’paillaïrot’’ ? C’était la terreur des gamins du village.

     

     

     

                 Les vignerons se chauffaient, les jours de froidure extrême, avec le feu dans la cheminée. Si bien que les souches de carignan principalement ont la particularité de bistrer très vite les conduits de cheminées. Une équipe de ramoneurs passait dans les rues du village en quête de quelques ramonages. Ils tendaient une couverture sous le manteau du foyer, œuvraient avec leur diablotin et en ressortaient noirs comme des charbonniers. Ainsi, pour quelques sous, la cheminée était propre et le ramoneur partait satisfait du travail accompli.

     

     

     

                        Les canapés de cuir, les gens des campagnes ne connaissaient pas. Ils s’asseyaient sur des chaises tressées avec de la paille de blé. Par l’usure et le temps, le siège se détériorait et il fallait le faire refaire. Le rempailleur de chaises était là pour vous remettre à neuf en quelques minutes toutes les chaises. Il pouvait même faire une fantaisie en décorant la tresse  en rouge, en vert, à la couleur de votre choix, devant votre porte et devant des dizaines d’yeux d’enfants émerveillés devant la dextérité de l’artisan.

     

     

     

                     Les parapluies, dans notre Midi, servent souvent de parasols, d’ombrelles. Les premiers parapluies à toile bleue comportaient des baleines en bois d’osier. L’osier ou saule a la particularité de se plier sans se casser. Le réparateur de parapluie rafistolait cet abri en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Ces gros parasols  biplaces, dits familiaux,  servaient au vigneron et à sa femme pour partir incognito et en amoureux travailler leur lopin de vignes. ‘’Un pti coin de parapluie contre un coin de paradis. Elle avait quelque chose d’un ange. Un pti coin de paradis contre un coin de parapluie. Je ne perdais pas au change pardi !  Brassens le poète.

     

     

     

                      ‘’Je suis le colleur de faïence et de porcelaine’’ s’écriait cet artisan qui, chez vous venait réparer les assiettes ébréchées et les verres cassés sans pieds. La colle Super-glue  UHU n’existait pas encore et l’on avait besoin de lui. Peu de gens se rappellent de cet homme qui fondait le verre et qui levait le coude pour expérimenter sa réparation.

     

     

     

                      Vitrier ! Vitriééééé ! Cet artisan descendait la rue avec tout son atelier sur son dos, son escabeau et ses vitres. Son marteau et son couteau à enduire pendus à sa ceinture, il recherchait un peu de travail. Dès qu’il s’apercevait de la moindre casse ou fêlure d’une vitre, il proposait ses services et là, plus de courants d’air. Il possédait un beau diamant mais il était le plus pauvre de la terre.

     

     

     

                       Dans les années 40, presque tous les foyers possédaient un ‘’cambril’’’. C’était un enclos qui abritait nos biquettes. Le lait de ces chèvres a nourri plusieurs générations d’enfants. Le lait de chèvres permettait aussi de confectionner d’excellents petits fromageons. Tous les matins, à une heure précise, le cambril était en effervescence. Nos biquettes reconnaissaient de très loin la corne du chevrier. Cet homme amenait les animaux brouter le long des talus. D’un coup de corne, le loquet de la porte sautait et nos quatre biquettes, la queue joyeuse et sautant de plaisir allaient rejoindre au fond de la rue le petit troupeau de copines. Le soir, les mamelles bien pleines, nos locataires rentraient rejoindre leurs couches que nous avions entre temps renouvelées de paille et de foin frais.

     

     

     

                        Pour nourrir la volaille et les chevaux toute l’année, les gens du village utilisaient un lopin de terre en l’ensemençant de blé ou d’avoine. Les semailles s’effectuaient en automne et les blés étaient coupés en juillet, juste avant les grandes vacances scolaires. Les gerbes étaient hissées sur la charrette et transportées à la sortie du village pour confectionner des gerbiers bien ronds.

     

                       Le grand évènement de ce début d’été était l’arrivée de la batteuse. Elle était attendue car un orage pouvait survenir et gâcher une partie de la récolte. Ce transport exceptionnel arrivait avec renfort de trompettes et de tambourins. Le tracteur avec sa longue courroie en huit animait le fonctionnement de la batteuse, cette machine faite de bois qui happait les gerbes, les avalait, les transformait en graines, son et paille. Le travail commençait très tôt le matin et les hommes ruisselants de sueur buvaient à la gourde pour étancher leur soif. Les graines ensachées en sac de 100 kg étaient l’apanage de la force des costauds du village. Ils montaient sur leurs épaules les sacs en les prenant par leurs deux oreilles, sans aide de personne.

     

                      Et nous qui étions gamins, le soir, allions nous rouler dans le son pour jouer. Nous rentrions à la maison, les cheveux ébouriffés, du son plein la tête et le corps. Là, nous attendaient nos parents et ………c’est une autre histoire !

     

     

     

                     Il passait bien quelques petits cirques. Bien sûr ce n’était ni Amar, ni Pinder. Ils n’avaient pas de chapiteau. Ils s’installaient sur la place du village, sous un réverbère, leurs roulottes hippomobiles placées en rond. Quelques bancs entouraient la piste. Ils présentaient des numéros d’équilibristes, quelques chiens savants et des singes qui n’avaient pas connus de guenon car ils étaient toujours en rut. Le spectacle se terminait par les pitreries du clown et les applaudissements du public.

     

     

     

                     Tous les mardis, le projectionniste du ciné ambulant arrivait au ‘’ café des Sports ‘’ du village. La veille, le crieur public, avait annoncé le titre du film qui devait passer en salle. Et là, nos quatre sous gagnés par la vente des peaux de lapins en poche, nous allions nous régaler en regardant les nouveautés de trois ans projetées. Il ne fallait pas être trop près du projecteur car on entendait les images s’égrainer ni trop près de l’écran où le drap blanc tendu à l’entrée du café ne donnait pas une image excellente. Les chaises étaient rassemblées autour des tables du bistrot et là, la magie du spectacle s’opérait. La mise en bouche commençait par un documentaire, puis la pub. Déjà cela existait. Rappelez vous ‘’ Jean Mineur – Publicité 001’’ avec son canard Donald et son cri de cheval en rut. A l’entracte, le cafetier nous servait de la limonade. Le film proprement dit commençait dans une atmosphère bleue des volutes de fumées. Les gens faisaient grincer leurs chaises sur le sol et riaient tout haut. Les femmes donnaient leurs appréciations et pleuraient dans les moments tristes.  Georgette, pleurait, pleurait et faisait fondre la graisse de son corps. Elle se liquéfiait sur sa chaise double qu’elle occupait vu son postérieur. Ne soyons pas médisants ! Pardon Georgette et paix à son âme !

     

                        Nous sortions la nuit tombée, les yeux larmoyants par les fumées et allions raconter à nos parents, à notre façon, le film avec tous les détails, même ceux que nous ne comprenions pas.

     

     

     

                       Ainsi s’écoulait la vie dans mon village CEBAZAN avec ses joies et ses peines.

     

                       Mais où sont les neiges d’antan !

     

     

     

       JC d’OC.

     


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            Alors ! Raconte ! N° 37

     

     

     

                                 Le modernisme 1950

     

     

     

    Le moine.

     

              Non, à première vue, ce n’est pas un ecclésiastique. Les hivers peuvent être rigoureux dans le Midi et comme les pièces ne possédaient pas d’appareils  de chauffage, il a été inventé un moyen pour chauffer les draps de lit. C’était un appareil en bois formé par des lattes en arceaux, un genre de luge qui permettait de placer en son centre un ‘’cassot’’ (boîte en métal pouvant contenir des braises). Large de 40cm, haut de 3Ocm, cet engin était glissé  entre les draps et permettait d’assurer uniformément la chaleur dans le lit. Mais il fallait faire très attention car la chaleur intense pouvait mettre le feu. Donc, il fallait laisser tomber la braise avant toute  installation.

     

              Mais après, quel plaisir ! Quelle jouissance de rentrer dans sa couche chaude qui sentait le sarment de carignan.

     

              Cet appareil passait de lit en lit et chauffait les grands et petits pieds.

     

     

     

    La ‘’ bugade’’ (la grande lessive)

     

                Dans les années 40, il n’existait pas dans nos villages de machines à laver et les draps de lits n’étaient lavés que deux fois par an. Les pantalons des hommes en velours ou en peau de taupes étaient si sales qu’ils tenaient debout le bonhomme. C’est en avril et en novembre qu’avait lieu ce grand nettoyage.

     

               La veille de ce grand jour, tout le linge était mis à tremper avec quelques cristaux de soude pour commencer le décrassage. Puis le jour venu, souvent le lundi,  un grand trois pieds était installé dans la cour. On sortait alors la ‘’bugadière’’ (une grande cornue d’un mètre vingt de large et d’un mètre de haut). Cette lessiveuse, instrument en zinc comportait  une cloche qui en son centre recevait un tube qui se terminait en hauteur par une pomme d’arrosoir.

     

                Pour que le système marche, il fallait disposer dans un ordre très précis :

     

                -en premier des sarments de vigne tout au fond,

     

                -en second le linge sale bien à plat,

     

                -puis les cendres de bois que l’on conservait dans le cendrier de la maison toute l’année. Les cendres contiennent de la soude comme le savon de Marseille.

     

                Et ainsi de suite jusqu’en haut. Puis on mettait l’eau et l’on faisait bouillir toute la matinée. Le lessif montait par le tube et arrosait en faisant le même bruit qu’une machine à café électrique. Ce mille feuilles cuisait lentement et désinfectait le linge. On n’a rien inventé de plus écolo.

     

                Il fallait bien deux jours pour que la machine refroidisse. Le mille feuilles était démonté et le linge était rincé soit au ruisseau s’il y avait de l’eau, au lavoir si la source coulait et à l’extrême, on chargeait le tout sur le tombereau  et ‘’hue Coquet ! fouette cocher ! ‘’on allait battre le linge à la source de Malibert  près de St Chinian.

     

                Au retour, on faisait sécher sur pré. Le linge super blanc sentait bon. Il était rangé dans les armoires parfumées de galettes de lavande.

     

               Quand on voit le travail que cela faisait, on bénit l’arrivée des premières machines à laver le linge. C’est la plus belle invention au monde qui soulage le travail de la femme. La Mère Denis qui a fait la pub de Vedette  pourrait affirmer ‘’ ché ben vrai cha’’.

     

     

     

    La pouzaranque ou poselancas en créole languedocien.

     

                Tous ces hommes qui grattaient la terre pour en extraire la nourriture nécessaire à leur vie, avaient tous un jardin qu’ils cultivaient religieusement près d’un point d’eau.  Les jardins, en aplomb de la rivière ou d’un ruisseau, possédaient un ingénieux appareil qui leur permettait de puiser l’eau pour l’arrosage des ruisseaux de patates. Les jardins qui n’avaient pas la chance d’être situés près de la rivière avaient un puits avec source.

     

                 Tous les soirs, après une grosse journée de chaleur, il fallait donc arroser en faisant marcher cet appareil à bascule que les Egyptiens  appelaient ‘’chadouf’’ mais que nous avons toujours  familièrement appelé la pouzaranque. Nous remontions près de 400 seaux d’eau pour arroser les tomates, pommes de terre et haricots. Il fallait enfoncer dans le puits la barre en soulevant le contre poids, donner un coup sec pour remplir le seau et laisser remonter le tout et verser. Faire cet exercice en équilibre sur une planche posée de part et d’autre de la margelle du puits, c’était périlleux !

     

                  Maintenant, les patates, on préfère les acheter à Hyper U, c’est moins fatigant et moins dangereux mais on regrette ce temps où nos légumes avaient un autre goût, un goût de labeur et de sueur.

     

    Les douches publiques

     

                  Avez-vous connu les douches publiques ? Le folklore puissance 10. Dans mon village, les douches étaient chauffées par le soleil dans un grand réservoir posé sur le toit. Elles n’étaient ouvertes que le samedi matin, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse beau. La toilette ne durait que trois minutes et il fallait faire vite surtout pour se laver les cheveux. Le berlingot ‘’DOP’’ percé par un coup de dent colorait la chevelure en bleu. Le rinçage était souvent à l’eau froide. Quel bonheur d’avoir eu dès 1960 l’eau courante dans nos maisons et le confort d’une douche chauffée par Saunier Duval. Quel progrès !!

     

    Le pipi de la nuit.

     

                  Mais le plus anecdotique était la procession que faisaient les femmes pour aller jeter leurs seaux hygiéniques tous les matins dans la campagne. La balayette en main, l’anse du seau dans l’autre, ces braves épouses allaient jeter au même endroit le pipi de la nuit de leurs époux. ‘’Et comment sont les urines de votre Jean. Les miennes sont d’un rouge écarlate car mon Jules s’est gavé hier soir de betteraves rouges’’. Ainsi commençaient les discutions matinales !  Puis un beau jour, le maire a obligé les villageois à se raccorder au réseau d’assainissement. Finies la promenade matinale et les parlottes entre copines. Il valait mieux simplement tirer la chasse d’eau. Quel progrès !!

     

    JC d’OC.

     


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              Alors ! Raconte ! N° 38

     

     

     

                                   Cebénna. La femme allongée.

     

                                                           La Muse des Cévennes.

     

     

     

                 Du haut du col de Fontjun, le panorama est magnifique. Par temps clair, on peut admirer ce plateau dolomitique dont la silhouette peut faire penser à une femme allongée. Cette montagne est située au dessus du Jaur et d’Olargues – un des plus beaux villages de France.

     

                Il est difficile de séparer le mythe de la réalité. L’imaginaire du vrai.

     

                Il n’y a que ceux qui vivent en Languedoc qui peuvent comprendre l’histoire maintes fois colportée par les troubadours.

     

                Cette belle histoire commence ainsi :

     

                Les Dieux ont tracé les limites de l’Espinouse et du plateau du Caroux par ce cours d’eau torrentiel qui coule dans la gorge d’Héric. Les Titans, frères des Cyclopes,  faisaient la guerre avec les Olympiens. Deux jeunes Titans, Héric et Cebenna, lassés par la guerre sont venus en Languedoc. Héric prit un bateau et partit  pécher en mer l’espadon. Dérivé par des courants marins, il fut secouru par Poséidon, frère de Zeus et Dieu de la mer.

     

                  Poséidon prit Héric en affection et lui indiqua le chemin du retour. Malheureusement, Héric  a  dérivé une nouvelle fois et arriva en Grèce. Atlas lia amitié avec le jeune Héric qui disparut lors d’une guerre. Pour punir Atlas, Zeus Dieu des Dieux, l’obligea de garder le monde sur ses épaules.

     

                  Cébenna, gonflée d’amour et de chagrin, attendit Héric tous les soirs au bord de la Méditerranée. Anéantie par l’attente trop longue, elle repartit s’allonger auprès des falaises de l’Espinouse sur le mont Cairosus. Elle se pétrifia  et elle pleure toujours. Ses larmes coulent encore dans le ruisseau d’Héric qui de nos jours séparent le versant Atlantique de celui de la Méditerranée. Désormais, la montagne s’appela ‘’ Cébenna’’ en hommage à la Muse des Cévennes.

     

                 ‘’Y a-t-il réincarnation lors de la saison des amours dans les biches et mouflons  qui broutent dans le Caroux ? ‘’

     


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